Claude Guéant surprend le monde politique avec des propos de comptoir. Les premiers éclats étaient venus de sa demande aux autorités italiennes de retenir les immigrés tunisiens chez eux et de reprendre ceux que la France leur renvoie. La place Beauvau, siège du ministère de l'Intérieur est-elle un lieu irrésistible pour les bavures politiques ? C'est ce qui ressort des nouvelles déclarations de Claude Guéant, successeur de Brice Hortefeux, qui ne peut passer une journée sans être au cœur d'une tempête politique. Sauf à croire que la consigne donnée par Nicolas Sarkozy à Claude Guéant est d'occuper par tous les moyens le terrain politique et médiatique, la multiplicité de ce qui apparaît comme des bavures qui participent plus à jeter du discrédit sur la gouvernance de Nicolas Sarkozy laisse songeur. Lorsque Nicolas Sarkozy avait choisi son ancien bras droit à l'Elysée comme ministre de l'Intérieur, la conviction était installée chez de nombreux observateurs que le président cherchait à reprendre le contrôle de deux dossiers majeurs qui alimentent le vote Front National, l'immigration et l'insécurité. Le profil et le parcours professionnel de Claude Guéant laissaient présager une maîtrise politiquement pertinente de ces questions. A cette période, Nicolas Sarkozy donnait l'impression d'avoir chargé son nouveau ministre de l'Intérieur de formuler des réponses et des postures qui rassurent les Français angoissés par des lendemains incertains et d'arrêter l'hémorragie vers l'extrême droite. Mais là où le grand stratège de l'Elysée, éminence grise de Nicolas Sarkozy, surnommé le Cardinal, était attendu avec des démarches et des propositions brillantes, ne serait-ce que pour faire oublier le léger laisser-aller et une décontraction excessive de Brice Hortefeux, Claude Guéant surprend le monde politique avec des propos de comptoir. Les premiers éclats étaient venus de sa demande aux autorités italiennes de retenir les immigrés tunisiens chez eux et de reprendre ceux que la France leur renvoie. Puis ce fut des déclarations fracassantes sur les Français qui veulent que la France reste la France et qui ne veulent pas que les flux migratoires leur imposent un autre mode de vie. A chaque sortie sur l'immigration, la gauche s'étrangle d'indignation, le Front National pousse des hoquets moqueurs et la majorité présidentielle se drape dans une gêne qu'elle peine à dissimuler. Claude Guéant donne l'impression de courir derrière le Front National. Ce qui dans la conjoncture actuelle où la droite républicaine s'interroge sur l'attitude à prendre à l'égard de l'extrême droite fait tache d'huile. Mais Claude Guéant fait officiellement son entrée dans la machine à fabriquer les bavures au soir du premier tour des cantonales. Lorsque dans une douteuse arithmétique, il annonce la victoire de la majorité présidentielle calculant les scores de l'UMP et des diverses droites. La gauche dénonce une manipulation, éclats de rire au Front National. Mais la grande palme de Claude Guéant fut quant il avait qualifié l'entreprise diplomatique et militaire de Nicolas Sarkozy contre la Libye de Mouammar Kadhafi de «Croisade». Ce mot avait littéralement miné tous les efforts du président de la République et de son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé qui visent à impliquer les pays arabes dans les opérations en cours et diminuer le rôle de l'Otan justement pour gommer «l'effet Croisade» qui rebute tant de monde et nourrit tant de colères. Avec les multiples sorties de Claude Guéant, il n'est pas certain que Nicolas Sarkozy en tire un bénéfice quelconque. Le joker d'hier est en train de se transformer en handicap pour demain. Au pire, le risque pour Claude Guéant est que son expression soit mise sous tutelle.