En ordonnant à ses influents conseillers, comme Claude Guéant et Henri Guaino, de se faire discrets, Nicolas Sarkozy donne cette impression de vouloir rééquilibrer les tâches. La nouvelle séquence que vit Nicolas Sarkozy se distingue par un fait politique majeur. La plupart de ses conseillers, dont le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant, sont devenus aphones et invisibles. C'est d'autant plus surprenant pour Claude Guéant qu'il était devenu, dans une autre vie, le grand proviseur du gouvernement, celui qui cadre les ministres qui dévient de l'orthodoxie du château et rappelle à l'ordre les récalcitrants trop tentés par une virée solitaire. L'homme armé d'un véritable gourdin sévissait dans les médias avec un tel enthousiasme et une telle régularité que la presse lui accolait, sans risquer l'exagération, des sobriquets de «vizir» ou de «véritable Premier ministre». C'était lui, qui part ses correctifs à répétitions, accentuait la sciatique de François Fillon, Premier ministre en titre. C'était lui, qui par ses missions de diplomatie secrète, donnait un ulcère à Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères en titre. Claude Guéant était l'avatar de Nicolas Sarkozy. Et leur harmonie était si parfaite, leur entente si bien orchestrée, que la question de savoir pour quelle raison il n'avait pas pensé à lui comme Premier ministre, n'avait pas cette apparente incongruité. Les mauvaises langues insinuaient à l'époque que s'il l'avait fait, il aurait perdu son instrument de torture. Lors de la longue bourrasque du remaniement, de nombreuses voix s'étaient élevées pour inciter Nicolas Sarkozy à remanier d'abord son équipe présidentielle qui, atteinte par un esprit de cour qui paralyse, aurait perdu de son efficacité. En ligne de mire «le grand Chambellan» Claude Guéant. Il était question de l'exfiltrer de l'Elysée et de lui confier en guise de consolation un grand ministère qui lui garantirait une visibilité et une proximité avec le président. L'opération échoua à la dernière minute et Claude Guéant resta à son poste, mais, avec un nouvel uniforme taillé sur mesure. Les conditions dictées par François Fillon pour demeurer à Matignon ont eu leurs effets : qu'il subisse une cure de silence et de discrétion. Il est de notoriété publique que les relations entre les deux hommes ne dépassent rarement le stade d'une glaciale cordialité. François Fillon n'a jamais pu avaler les nombreux désaveux que Claude Guéant, certes sur ordre de Nicolas Sarkozy, lui avait infligés. Au point de le faire passer pour un incompétent. Et s'il faut rajouter à cette relation tendue le fait que Claude Guéant ait pu militer ouvertement auprès de Nicolas Sarkozy pour introniser Jean-Louis Borloo à la place de François Fillon, les équipes qui tiennent Matignon et l'Elysée ne sont pas loin d'un état de cohabitation qui ne veut pas dire son nom. Il a été beaucoup reproché à Nicolas Sarkozy, dans son grand désir d'incarner l'hyper président, d'avoir castré politiquement son Premier ministre. En ordonnant à ses influents conseillers, comme Claude Guéant et Henri Guaino, de se faire discrets et de ne pas parasiter l'expression gouvernementale, Nicolas Sarkozy donne cette impression de vouloir rééquilibrer les tâches et permettre à son Premier ministre d'exister. D'abord, pour jouir des délices des lumières, ensuite, pour partager le fardeau «des embêtements» pour reprendre une expression utilisée par le président de la République.