Parmi les dégâts collatéraux de la révolution égypto-tunisienne, il y a cette controverse sur les vacances des ministres français. Bah ! Dégât est peut-être un mot trop fort. On en n'est pas à déplorer des morts même si, dans un futur proche, il y aura nécessairement des cadavres politiques. On assiste cependant à des séances d'auto-flagellations symboliques dans lesquelles les Français excellent. Il y a, sous les cris d'orfraie, une forme de culpabilité collective qu'on tente d'exorciser en brandissant des figures emblématiques en guise de victimes expiatoires. Il est notoire que les masses françaises privilégiaient les voyages «low-cost» pour Hammamet ou Sharm el Sheikh. Si les politiques ne crachaient pas sur le «no cost», les journalistes qui se gaussent aujourd'hui étaient rarement en reste. Le tort d'Alliot-Marie, ministre des Affaires étrangère, n'est pas d'avoir passé des vacances en Tunisie ou même d'avoir emprunté le jet privé d'un ami, devenu infréquentable en ces temps de vertu. Son tort, c'est de s'être empêtrée dans des justifications absconses et d'avoir emprunté une ligne de défense coupable. Quand à monsieur Fillon, le Premier ministre, qu'aurait-on dit sur l'Egypte, d'hier comme celle d'aujourd'hui d'ailleurs, si elle avait manqué à ses devoirs en ne recevant pas, avec les honneurs qui siéent à son rang, le second personnage d'une puissance amie ? Donc, en ces temps de vertu, on va assister à la naissance du tourisme moral et vertueux. Le président français, du reste grand voyageur et manière de calmer la polémique, a déjà donné des consignes à ses ministres. Désormais, pour leurs vacances, ceux-ci sont sommés de se contenter de l'Hexagone. Même pas l'Europe. Peut-être les DOM-TOM. Marrakech devra s'inquiéter. Après un décembre 2010 où toutes les grandes figures françaises, du show-biz comme de la politique, s'étaient donné rendez-vous pour des villégiatures somptueuses. Il y a fort à parier qu'en décembre 2011 on assistera, à la veille d'une rude présidentielle, à une sous-occupation des riads de la ville ocre. Du pis aller que tout cela. La vraie tragédie serait que cette culpabilité des Occidentaux et des grandes puissances lève toute inhibition par rapport à l'idéologie islamiste sous prétexte que les islamistes étaient les premières victimes de ces autocrates que la rue a fait vaciller. En baissant la garde, on prendrait le risque de favoriser dans le monde arabe des démocraties sans démocrates. Ces derniers seraient les vrais perdants au moment même où ce sont eux qui portent les véritables aspirations de toute cette jeunesse qui a marché sans mot d'ordre ni état-major. Ces démocrates arabes étaient inaudibles hier. Ils risquent de l'être encore plus demain.