Les autorités chinoises ont décidément du mal à combattre l'inflation et elles pourraient être amenées à suivre une politique monétaire plus restrictive que les investisseurs ne le croient. Jusqu'à présent, les marchés n'ont guère été perturbés par la hausse des taux intervenue, mardi 8 février, en Chine, la troisième pratiquée depuis octobre, car ils pensent qu'elle illustre une approche progressive qui vise à juguler les pressions inflationnistes sans mettre à mal la croissance de la deuxième économie mondiale. Ils risquent par là de sous-estimer à la fois l'intensité des pressions inflationnistes et la détermination de Pékin, très sensible au rôle historique joué par l'inflation dans les troubles politiques intérieurs, à s'en assurer la maîtrise. «Les autorités monétaires commencent à se rendre compte du degré de gravité de l'inflation et de la bulle immobilière. Cela fait deux mois à peu près qu'elles se creusent la tête pour normaliser leur politique le plus vite possible», commente Isaac Meng, économiste de BNP Paribas à Pékin. Si l'on examine les prévisions passées des économistes, elles révèlent à quel point les investisseurs ont systématiquement sous-évalué la fréquence du resserrement monétaire en Chine, et il semble que ce comportement se répète. Début octobre, les analystes estimaient en moyenne que Pékin attendrait jusqu'au deuxième trimestre 2011 pour relever les taux directeurs. Ils furent pris au dépourvu quelques semaines plus tard. Début décembre, l'opinion courante était que la Chine relèverait les taux directeurs de 75 points de base au total d'ici la fin de l'année 2011. Dans les faits, les taux ont déjà été relevés de 50 points de base et il reste encore un peu moins de 11 mois à courir. Une enquête Reuters montre que les économistes attendent à présent un nouveau relèvement global d'un demi-point d'ici la fin de l'année après celui de mardi. Il se peut que cette nouvelle prévision, en ne prenant pas assez en compte le changement de ton du gouvernement chinois, soit encore en deçà de la réalité. Plusieurs responsables chinois ont exprimé leur préoccupation ces derniers mois face à l'éventualité d'une hausse des taux trop rapide, qui aurait, selon eux, pour effet d'attirer encore plus de capitaux spéculatifs dans le pays, avec toutes les conséquences inflationnistes que cela entraînerait. Mais Jianguang Shen, économiste de Mizuho Securities à Hong Kong, observe que le bond de l'inflation en début d'année a changé la donne. «La décision de la banque centrale de relever les taux représente peut-être le changement d'opinion requis en vue d'un durcissement du crédit plus énergique», explique-t-il. Le taux d'inflation annuel a décéléré à 4,6% en décembre, mais les analystes interrogés par Reuters le voient remonter à 5,3% en janvier, au plus haut depuis plus de deux ans, en raison d'une flambée des prix alimentaires. Dans les faits, la Banque populaire de Chine (BPC) a plutôt choisi jusqu'à présent d'agir indirectement, préférant recommander aux banques de prêter moins ou relever le coefficient des réserves obligatoires (RO) plutôt que de remonter agressivement les taux directeurs. Même s'il est prématuré d'avancer que la BPC a changé son fusil d'épaule, il semble pourtant que ses orientations aient changé.