Ils étaient deux amis qui ne se séparaient que rarement. Seulement, quand l'un d'eux a demandé à la copine de l'autre de partager avec lui le même lit, leur amitié s'est brisée à vie. «Il était mon ami, M. le président. Nous étions quotidiennement ensemble», a affirmé Abdessamad au président de la Cour. Nous sommes à la chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca. Portant un tricot en coton blanc cassé, une jaquette en cuir marron, un jean bleu et une paire de sandales, Abdessamad se tenait au box des accusés. Il fixait le président de la Cour qui feuilletait le dossier de l'affaire tout en l'interrogeant. «J'étais sous l'effet de comprimés psychotropes et de l'alcool… Je n'étais pas conscient», a ajouté Abdessamad tout en exprimant son regret d'avoir mis fin à la vie de son ami. Le président de la Cour le scrutait tout en écoutant attentivement ses réponses. «Il m'a provoqué… Je n'avais pas l'intention de lui faire du mal», a-t-il précisé à la Cour. Le président de la Cour lui a demandé plus d'explications. Abdessamad a gardé le silence. Pourquoi? Abdessamad n'était jamais un jeune cruel, malgré son penchant pour l'alcool et la drogue. Ce jeune de vingt-huit ans, célibataire, sans profession, a un casier judiciaire vierge. Il n'a jamais été arrêté par la police, ni traduit devant la justice. À la huitième année d'enseignement fondamental, il a quitté les bancs du collège. En fait, il n'a pas pensé à emprunter un nouveau parcours après avoir échoué dans ses études. Comme la majorité des chômeurs, il est resté cloué dans un coin de son quartier. Il passait sa journée entre ce coin de la rue et chez lui. Des cigarettes, il a commencé à fumer du haschich, puis à picoler. Son ami, Abdellah, était membre du groupe de son quartier. Il était son aîné de deux ans. Lui, aussi, était chômeur et célibataire qui s'enivrait et se droguait. Au fil du temps, ils se sont éloignés du groupe pour passer, la majorité du temps ensemble. En fait leur relation remonte à leur enfance puisqu'ils sont nés et ont grandi dans le même quartier. Mais, à leur jeunesse, leur relation s'est consolidée au point qu'ils sont devenus comme deux frères. Mais pourquoi leur relation est-elle au point mort ? «Notre relation était normale. Nous passions ensemble la majorité du temps… Cette nuit, j'étais en compagnie d'une fille. C'était ma maîtresse. Quand nous avons bu des boissons alcoolisées et fumé quelques joints, il s'est apprêté à violer ma maîtresse », a-t-il déclaré devant la Cour. A-t-il raison ? Un témoin qui a prêté serment a attesté avoir remarqué Abdessamad et Abdellah sans être en compagnie d'une femme. Ils étaient seuls. Un deuxième témoin a affirmé à la Cour que le mis en cause avait maîtrisé son ami avant de lui asséner un coup de couteau. Ce deuxième témoin a précisé qu'il n'avait remarqué aucune fille en leur compagnie. Un troisième témoin, qui était l'ami d'Abdessamad et d'Abdellah, a affirmé à la Cour que les deux amis étaient en pleine entente jusqu'au jour où Abdellah a entretenu une relation amoureuse avec une jeune fille du quartier. Ce troisième témoin a précisé qu'Abdessamad aurait harcelé la copine d'Abdellah et non le contraire. Appelée à la barre, la copine d'Abdellah a affirmé avoir raconté à son amant ce que son ami, Abdessamad, lui avait demandé quand elle était passée dans la rue. Il lui avait demandé de partager avec lui le même lit. Quand Abdellah a reproché à son ami d'avoir demandé à sa maîtresse de coucher avec lui, Abdessamad l'a traité de proxénète arguant que sa copine couche avec d'autres jeunes du quartier. Hors de lui, Abdellah a brandi un couteau et a tenté d'asséner un coup à Abdessamad. Seulement, celui-ci est arrivé à reculer avant de l'attaquer, lui enlever le couteau et lui asséner un coup mortel. Un acte criminel qui lui a coûté dix ans de réclusion criminelle.