L'essentiel, comme on disait autrefois, c'est que l'appareil répond. SM le Roi veille, personnellement, par son engagement quotidien dans le front social, pour que l'Etat ne s'installe pas dans l'arrogance, le mépris ou l'autisme. Le Maghreb, selon une expression désormais consacrée au Maroc, attend une nouvelle génération de réformes. Cette nouvelle génération de réformes doit répondre, à l'évidence, à une nouvelle génération de demande sociale. Plus élaborée, plus soucieuse de dignité et de qualité de vie. On le voit bien chez nous, un peu partout dans le pays, la revendication sociale se pare d'une radicalité nouvelle, une sorte d'exigence «énervée» qui veut imposer, en dehors des canaux traditionnels de médiations, tous cassés, une meilleure, et plus juste, répartition des fruits de la croissance qui est là depuis au moins dix ans. A cette colère, l'Etat répond par des dispositifs universels : AMO, RAMED, INDH, Villes sans bidonvilles, Promotion nationale, Emploi Anapec, etc. mais aussi par des dispositifs particuliers adaptés aux situations de crises: Laâyoune, Al Hoceima, Sefrou, Figuig, Tinghir, Sidi Ifni, etc. L'on voit bien que la démocratie marocaine, malgré ses tares, essaie de contenir tant bien que mal cette demande en y apportant des réponses plus ou moins heureuses ou plus ou moins inspirées. L'essentiel, comme on disait autrefois, c'est que l'appareil répond. SM le Roi veille, personnellement, par son engagement quotidien dans le front social, pour que l'Etat ne s'installe pas dans l'arrogance, le mépris ou l'autisme. C'est peut-être cela la singularité marocaine. Chez nos voisins algériens, la situation est différente. C'est le pays le plus riche de la région mais dont la richesse n'alimente aucun modèle social viable ni aucun projet de société partagé. Cette richesse est détournée par une nomenklatura mafieuse au détriment du plus grand nombre. Résultat : une guerre civile qui fait plus de 200 000 morts, un Etat partial et discrédité, une gouvernance caricaturale, une armée aux affaires, une société civile écrasée et une violence à l'état endémique qui continue à déchirer le corps social. Il ne s'agit plus dans ce contexte à gérer une demande sociale — c'est presque trop tard — ce qui est en cause c'est le régime politique lui-même, l'organisation de l'Etat, le rôle de l'armée, la fonction de la classe politique etc. En Tunisie, pour nous, c'est le choc. On pensait que tout cela était réglé : un Etat fort respecté et impartial, un extrémisme contenu, un système économique moderne et performant, une classe moyenne triomphante, un réseau de service à la population: santé, éducation, emploi, logement..., à la hauteur qualitative de la demande, une croissance inoxydable, une corruption bridée Or il se trouve que ce modèle trop parfait, un peu surréaliste — dont le coût politique était toléré — s'écroule sous nos yeux sous les coups de butoirs d'une « nouvelle génération de demande sociale ». Il paraît que le régime tunisien, aujourd'hui, écoute et entend la revendication sociale. Sans conteste, il saura, dans les jours à venir, formuler des réponses à la hauteur des enjeux. Mais ce qu'il faudra surtout éviter, c'est d'essayer de circonscrire une vraie question sociale légitime par approche sécuritaire. C'est toujours le risque avec des Etats qui perdent confiance en eux-mêmes au motif que la population ne leur fait plus confiance.