Le rôle de la presse est-il de porter un débat d'idées sur la place publique et de ce fait le mettre à la portée du citoyen, premier concerné par son bilan ? ou s'ériger en porte-voix de thèses tout en leur déniant leur caractéristique première d'être discutables? L' « art » des extrapolations n'en est pas un dans la mesure où l'exercice est facile. A la limite de l'insulte, car à la portée de tous. Du moins pour ceux qui placent leur réflexion au-dessus des calculs immédiats. Faire sa propre lecture des thèses défendues par le citoyen Moulay Hicham Ben Abdallah Alaoui, ne saurait en aucun cas être assimilé au « lâcher d'une meute ». Ni à des prises de libertés avec les membres de la famille royale, ce qu'aucun Marocain, fier de sa marocanité, et conscient de sa profonde portée, ne pourrait se permettre. Celui que nous appelons le prince Moulay Hicham et que d'autres « défenseurs » de son appartenance à la famille royale, se permettent de désigner par son prénom, serait, en démocrate qu'il se dit, le premier à encourager cet exercice. Son absence de réaction, que prompts ont été beaucoup à mettre sur le compte de l'amertume, pourrait également être expliquée, si besoin est, par une totale intégration dans le jeu honorable de la confrontation d'idées et de points de vues. Entre citoyens, justement conscients « des privilèges » de leur citoyenneté. Privilèges de discuter des thèses relayées par la presse, sans que pour autant cela s'apparente à une atteinte à la famille royale. Car, sur le terrain du débat citoyen, l'institution royale, arbitre, est au-dessus de la mêlée. Sous cet angle, on peut s'interroger sur le rôle véritable de la presse. Est-ce celui de porter un débat d'idées sur la place publique et de ce fait le mettre à la portée du citoyen, premier concerné par son bilan ? ou s'ériger en porte-voix de thèses tout en leur déniant leur caractéristique première d'être discutables, sous peine des pires accusations ? S'agit-il d'éclairer les citoyens ? ou de faire du militantisme, hors des cadres reconnus et conventionnels, et hors des règles du jeu de toute confrontation mature et responsable de convictions ? Si le devoir premier de la presse, sa raison d'être, est d'informer ses lecteurs, alors le corollaire de ce devoir, sans lequel il ne saurait être l'honneur qu'il est, est d'établir des liens entre les événements. De proposer des lectures. De les soumettre à l'appréciation du lecteur. Loin de tout militantisme déplacé, sans racines, ni possibilité d'évolution. Informer, c'est rappeler que le prince Moulay Hicham avait contesté à l'USFP et au parti de l'Istiqlal le monopole de l'héritage du mouvement national. C'est rappeler qu'il avait estimé que les valeurs historiques du mouvement national ont été détournées au profit de l'affairisme politique, sur fonds de visées électorales. C'est également rappeler que le prince avait fait état de la nécessité d'une conférence nationale qui permettrait, estimait-il, au régime de se ressourcer et aux acteurs politiques de se positionner. C'est aussi faire état du « pacte de la monarchie » détaillé par le prince lors du colloque de l'IFRI (Paris) en mai dernier. Proposer une lecture aux citoyens, c'est mettre ces données ensemble et en déduire, dans le même exercice sain et légitime d'information, le désamour entre le prince et la gauche, la similitude de la conférence nationale avec la question de la constituante du temps de Mehdi Ben Barka, la convergence du pacte de la monarchie avec la thèse des islamistes. Qu'une certaine « presse » se sente ainsi visée et se croit obligée de riposter, ne revêt aucune espèce d'importance. Car, c'est de presse qu'il s'agit et non de militantisme déraciné.