L'usure, c'est-à-dire le prêt à intérêt («riba», en arabe), est formellement interdite par le Coran lui-même qui la présente comme l'un des pires péchés (voir, en particulier Coran 2, 275-281 ). Bien entendu, la loi et la morale musulmanes dénoncent en priorité ceux qui organisent le taux à intérêt à leur profit. Mais l'Islam condamne également ceux qui font appel aux prêteurs, puisque les emprunteurs contribuent à entretenir un système injuste. A travers cette ferme condamnation, il faut très certainement voir une volonté sans faille de protéger les personnes économiquement faibles contre ceux qui peuvent profiter de leur détresse. Dans le monde moderne, cependant, comment vivre sans accepter d'emprunter à crédit? Qu'il s'agisse de l'achat d'une voiture, de celui d'une maison, mais aussi de biens beaucoup plus modestes, la plupart des «gens ordinaires» n'ont pas les moyens de «payer comptant». Comme la sagesse populaire le dit : «Les maisons de crédit vendent de l'argent à des gens qui n'en ont pas». Ainsi, ils sont des centaines de millions, musulmans comme non musulmans, ceux qui, à travers le monde, disposent de «cartes de crédit» qui les autorisent à régler «à tempérament» certains de leurs achats. Cela leur permet de payer progressivement des biens qu'ils ne pourraient acquérir en un seul versement. Mais ces consommateurs payent entre 15 et 22% de taux d'intérêt selon les institutions bancaires! Et si, par malheur, ils ne parviennent pas à verser régulièrement le solde mensuel qui a été fixé, ils peuvent très vite être entraînés dans une terrible spirale d'endettement. Il existe des familles qui sont devenues totalement dépendantes d'officines qui les ont séduites avec le «crédit révolving», ce crédit permanent renouvelable. Pour payer les versements mensuels d'un organisme de crédit, elles doivent parfois emprunter dans un autre, etc. Pour tenter de résoudre le dilemme qui se pose à toute une partie de sa clientèle musulmane: payer à crédit ou non, une institution financière canadienne, l'UM Financial de Toronto, a décidé de lancer, début avril, la «Freedom Plus Mastercard» qui se veut une «carte halal», c'est-à-dire une carte qui n'applique pas de taux d'intérêt. Voilà qui est nouveau au Canada, mais qui existe déjà en Arabie (la «Titanium Mastercard» lancée en 2007 à Riyad) et en Grande-Bretagne (la «Cordoba Gold Mastercard» créée en 2008). En fait, il s'agit d'une carte «prépayée» qui s'achète 50 dollars canadiens. L'utilisateur, qui doit posséder un compte bancaire au Canada et avoir au moins 18 ans, peut faire, avec cet «argent plastique», des achats jusqu'à concurrence de 6.000 dollars canadiens. Il n'est pas obligé d'avoir son compte à l'UM Financial. Mais il lui incombe de «recharger» régulièrement sa réserve d'argent sur son compte bancaire. Dès lors que les gens ne peuvent pas dépenser plus, avec cette carte, que ce qu'ils possèdent, ou plus que ce qui leur est autorisé comme découvert, les voilà, bien entendu, protégés contre l'endettement. La mise à disposition de cette carte n'augmente pas leur pouvoir d'achat, mais elle leur permet d'organiser sagement leur consommation.