Dr Khadija Mchichi Alami, sexologue clinicienne, explique les enjeux de son étude épidémiologique réalisée récemment et qui concerne le comportement sexuel de la femme marocaine. ALM : Pourquoi une étude épidémiologique sur le comportement sexuel de la femme marocaine? Khadija Mchichi Alami : Le comportement sexuel est une combinaison de mécanismes socioculturels, nerveux et hormonaux, expliquant la complexité de ce comportement. La recherche sur la sexualité féminine est un sujet d'extrême importance. En effet, beaucoup de travaux de recherche scientifique dans des pays occidentaux ont montré que ces troubles peuvent être responsables de problèmes familiaux, de divorce, de viol, de prostitution, de retentissements sur la reproduction, d'infections sexuellement transmissibles… Or, ils sont tus dans la majorité des cas, interférant d'une manière négative sur la vie des gens et altèrent leur qualité de vie s'ils ne contribuent pas à les précipiter dans des troubles mentaux (troubles dépressifs, troubles anxieux, troubles sexuels…). Présentez-nous votre étude et l'échantillon de femmes sur lequel elle a porté? Il s'agit d'une première enquête épidémiologique sur le comportement sexuel féminin, réalisée dans un pays arabo-musulmo-africain, auprès de 800 femmes de la wilaya du Grand Casablanca, âgées de 20 ans à 80 ans, la moyenne d'âge étant de 37 ans, toutes classes sociales confondues. 29% de ces femmes sont illettrées, 14% ont fait plus de 12 ans d'études et 57% moins de 12 ans. 78% de ces femmes sont sans profession, 15% sont fonctionnaires et 7% lycéennes ou étudiantes. 58% des femmes sont mariées, 24% sont célibataires, 1% vit en concubinage, 6% sont divorcées, 1% est séparée et 10% sont veuves. Qu'est-ce qui se dégage de cette étude? Il ressort de cette étude que parler de la sexualité demeure un tabou. Les connaissances sur la réalité des pratiques sexuelles sont très limitées. Les femmes ont tendance sous l'influence du poids socioculturel inhibiteur à garder sous silence tout ce qui tourne autour de leur sexualité. Ainsi, l'expression des plaintes sexuelles n'est jamais explicite et la demande reste latente. Les chiffres montrent que 40% des femmes rapportent avoir simulé l'orgasme au moins une fois dans leur vie. Parmi elles, 42% le font pour ne pas blesser leur mari. 12% pour qu'on ne les prenne pas pour des femmes frigides. Étudiant le sens des chiffres, il a été établi en se basant sur des méthodes scientifiques, que la simulation de la majorité de ces femmes n'est pas pathologique. Comment expliquez-vous le fait que 40% de ces femmes simulent un orgasme ? Quand arrive le soir, certaines de ces femmes sont épuisées par les tâches quotidiennes et la simulation est une défense qui leur permet d'activer l'acte. D'autres ne sont pas capables de jouir ou d'obtenir du plaisir, elles sont gênées d'en parler et de ce fait simulent…Cela pour plusieurs raisons d'ordre psychologique ou d'ordre relationnel quand il existe certains problèmes au niveau du couple… 46% des femmes qui ont simulé déclarent l'avoir fait «pour avoir la paix». Encore là, ces chiffres il faut les traduire : 58% des femmes ayant donné cette réponse sont des femmes mariées, 78% d'entre elles sont sans profession, 69% ont de 1 à 4 enfants et enfin 32% d'entre elles ont plus de quatre enfants !