Nicolas Sarkozy avait habitué son monde à se mobiliser corps et âme pour sortir les citoyens français pris en otage à travers le monde. Le microcosme médiatique français est, depuis quelques jours, sous le coup de l'émotion d'une étrange polémique. Elle est le fruit de la manière avec laquelle le pouvoir politique traite, publiquement en tout cas, l'affaire des journalistes de la chaîne de télévision France 3, enlevés par les Talibans le 20 décembre dernier en Afghanistan. Nicolas Sarkozy avait pris tout le monde de court en exprimant à leur égard des critiques inédites. Il n'était d'ailleurs pas emporté par un coup de sang irréfléchi ou une colère incontrôlée. Son ressentiment à leur égard à la vie dure puisque son bras droit à l'Elysée, le secrétaire général Claude Guéant vient de le répéter avec des mots qui ne laissent place à aucun doute sur la noirceur des pensées. «Une imprudence vraiment coupable», tel est le qualificatif que l'Elysée a accolé à l'attitude des journalistes pris en otage en Afghanistan. L'immense surprise qu'a déclenchée la posture de l'Elysée dans cette affaire vient du simple fait que Nicolas Sarkozy avait habitué son monde à se mobiliser corps et âme pour sortir les citoyens français pris en otage à travers le monde. Ne s'est-il pas démené comme un diable pour sortir Ingrid Betancourt de la jungle colombienne où les FARC la retenaient prisonnière ? N'a-t-il pas fourni d'immenses efforts pour extraire des prisonniers français retenus sur différents champs d'opérations africains? Sans oublier le sort du soldat franco-israélien Gilad Shalit retenu par le Hamas devenu pour Paris une incontournable carte de négociation, ni l'étudiante Clotilde Reiss coincée à Téhéran. L'impression était même installée que Nicolas Sarkozy cherchait volontairement à s'investir dans de telles causes. Tellement elles regorgeaient d'une plus-value politique et médiatique inestimable. Le président de la République campait ce personnage de grand protecteur et de sauveur des Français de par le monde. Que s'est-il passé donc pour que Nicolas Sarkozy abandonne, du moins publiquement, cette ambition et critique ouvertement des otages qui croupissent encore dans les cellules montagneuses de leurs geôliers, quitte à affaiblir leur moral et à dynamiter la campagne de mobilisation pour les sauver ? Au-delà de l'argument présenté par Claude Guéant qui consiste à reprocher à ces journalistes de faire «courir des risques aussi à beaucoup de nos forces armées, qui du reste sont détournées de leurs missions principales», le secret de cette attitude est sans doute à trouver dans la difficile relation que Nicolas Sarkozy entretient avec les médias. Son entourage a régulièrement reproché aux journalistes d'être responsables de ses multiples baisses de popularité dans les sondages en brouillant volontairement son action et le message de ses réformes. Il peut se targuer d'avoir au sein de cette profession les deux extrêmes: d'obsessionnels soutiens et irréductibles opposants. D'ailleurs, signe des temps qui ne trompent pas sur l'alchimie compliquée que Nicolas Sarkozy est en train de nourrir à l'égard de la profession de journalistes, les traditionnels vœux à la presse que l'Elysée organise chaque année, ont été purement et simplement annulés.