Le professeur Saïd Jafri estime que l'amendement de la Constitution ne constitue pas une condition sine qua non à la mise en place de la régionalisation avancée. ALM : Pensez-vous que la mise en place de la régionalisation avancée doit passer par une réforme de la Constitution? Saïd Jafri : La question de l'amendement de la Constitution dépend, en réalité, de la conception de la régionalisation avancée qui sera mise en place. Ainsi, si par exemple, on se limitera à modifier les compétences des régions en les renforçant davantage. Je ne pense pas que la Constitution devra être amendée. Ainsi, l'amendement de la Constitution ne s'imposera que si le Maroc poussera son système de régionalisation à son point extrême, à savoir le système d'autonomie. A vrai dire, je pense qu'on est encore loin de ce stade. Très probablement, le Maroc n'ira pas jusqu'à accorder l'autonomie à l'ensemble des régions. Donc, le défi du Maroc aujourd'hui est de faire de la région une véritable collectivité locale dotée de tous les moyens nécessaires pour lui permettre de jouer le rôle d'un vecteur incontournable du développement régional. C'est ainsi que le Maroc peut atteindre l'objectif de la réforme sans recourir à l'amendement de la Constitution. D'ailleurs, le discours royal annonçant la mise en place de la CCR n'a pas évoqué la question de l'amendement. Ne pensez-vous pas que la réforme de la Constitution constituera une garantie pour la régionalisation avancée ? Bien évidemment, la réforme constitutionnelle constituerait une garantie pour le système de la régionalisation, mais, comme je viens de le signaler, la réforme ne constitue pas une condition sine qua non à la régionalisation avancée. Des lois ordinaires suffiraient à redéfinir les attributions de la région, à l'image de ce qui s'est passé en France. Donc, ce n'est pas la peine de susciter l'engrenage de l'amendement de la Constitution car notre objectif est d'élargir les compétences des régions. En réalité, le débat qui s'est enclenché à propos de la nécessité de l'amendement rentre dans le cadre de la controverse politique. SM le Roi a appelé la CCR à s'appuyer sur quatre fondamentaux dans le cadre de l'élaboration de sa conception. Quelle analyse en faites-vous? Les quatre fondamentaux annoncés par SM le Roi, sont l'unité, la solidarité, la cohésion et la déconcentration élargie. Ces quatre principes fondamentaux font partie des conceptions les plus modernes et innovées des sciences administratives. Si on se réfère aux exemples de la France, l'Allemagne, la Belgique et l'Italie, on trouve que le principe fondamental de ces modèles c'est l'unité de l'Etat, à partir du moment où les sensibilités régionales sont toujours présentes. La solidarité s'appuie sur le principe de la complémentarité entre les régions. Aucune région n'est capable d'assurer son autosuffisance d'où la nécessité de la solidarité interrégionale. Le troisième principe se rapporte à la nécessité de la relecture des attributions des régions pour définir exactement qui fait quoi et résoudre le problème du chevauchement des compétences. Le quatrième principe est celui de la déconcentration élargie. En effet, l'élargissement des compétences de la région n'aura une valeur que s'il sera accompagné d'une politique efficace en matière de déconcentration.