Rabah Saâdane, entraîneur de la sélection algérienne, revient sur la crise algéro-égyptienne suite aux évenements qui ont suivi la qualification des Verts à la Coupe du monde. Il parle aussi des problèmes de la CAN et de l'équipe nationale du Maroc. ALM : Quels sont vos sentiments après avoir obtenu la qualification pour la Coupe du monde? Rabah Saâdane :Je pense que cette qualification s'est traduite par une très grandejoie et surtout un grand sentiment de réussite. C'est en quelque sortema revanche envers tous ceux qui m'ont critiqué en 1986. Mais, jelaisse de côté ma rancune et je dis que j'ai vraiment la chance et jeremercie Le Bon Dieu de m'avoir permis de participer à toutes lesqualifications de l'Algérie. En 1974 avec l'équipe juniors, en 1982 eten 1986 pour la Coupe du monde j'étais seul à la tête de l'équipenationale. Je remercie Dieu de m'avoir permis d'obtenir un nouveaubillet pour la Coupe du monde 24 ans après notre dernièrequalification. Cela se passe vers la fin de ma carrière sportive etaprès deux ans de dur travail pour pouvoir se qualifier au Mondial 2010qui aura lieu pour la première fois en Afrique. Après votre victoire face aux Égyptiens, attendiez-vous à vivre une telle histoire au Caire comme à Khartoum? Sincèrement,je n'ai pas attendu du tout à être accueilli d'une manière aussihorrible de la part de nos frères arabes et musulmans égyptiens.J'étais très déçu. Chez nous lors du premier match, joué en Algérie,nous avons, avec la fédération, tout fait pour que toute l'équipeégyptienne soit bien accueillie dans de bonnes conditions dans la puretradition d'hospitalité arabe et musulmane. Au retour, j'ai étémassacré moi et mon équipe. Cela m'a beaucoup touché. C'est un acteanti-sportif que je n'accepte pas. Aujourd'hui, je voue du respectpour certains Egyptiens. Pour d'autres, rien! Par contre, je trouve quece qu'ont fait les dirigeants actuels du football égyptien est honteuxpour eux d'abord et je pense qu'ils sont connus par ce genre decomportement inappréciable par tout le monde. L'Égypte a perdu toute sacrédibilité pour un simple match du football. C'est de la «hogra»!(mépris en dialecte algérien), mais je dis merci à Dieu parce que j'aitrouvé à mes côtés mes frères marocains et tunisiens qui ont manifestéleur solidarité et qui m'ont soutenu, moi et mes joueurs blessés etattaqués par les Égyptiens. L'Egypte a porté plainte contre l'Algérie devant la FiFa. Qu'en dites-vous et quelle issue prévoyez-vous ? L'Égyptemaintenant a perdu la qualification pour le Mondial et son image a étéaltérée après ce qui s'est passé en Égypte et à Khartoum. Elle essayede créer une diversion. J'ai confiance en la FIFA, c'est un organesérieux qui travaille sur ce dossier avec sincérité. Je pense que,quelle que soit la diversion, l'Égypte va être sanctionnéeprochainement par la FIFA. Commentréagissez-vous au tirage au sort du Mondial qui a placé l'Algérie dansle groupe C avec l'Angleterre, les USA et la Slovénie? Toutce que je peux vous dire c'est que nous allons nous préparersérieusement, je ne vais mettre aucune pression sur les joueurs. Jepense que déjà jouer en Coupe du monde est un plus. Je ne vais pasoublier qu'on est le seul représentant des pays arabes à ce Mondialdonc je trouve que l'essentiel est de livrer de bonnes prestations etde jouer concentrés et attaquer l'adversaire. Où et comment se dérouleront les préparatifs des Verts pour la CAN –Mondial 2010? Enfait, nous allons nous préparer pour la CAN du 26 décembre jusqu'au 6janvier 2010. Nous ne ferons aucun match amical. Nous irons en Angolapour commencer à préparer le premier match. C'est en bref notreprogramme de préparation. Par la suite et après la fin de la CAN, nouspasserons au stage de préparation du Mondial africain. Nous auronsainsi à disputer quelques matches amicaux. Après cela, et dès que leschampionnats seront terminés en Europe, nous allons entrer dans lespréparatifs finaux. Ces préparatifs auront lieu du 20 au 30 maicertainement en Europe avec éventuellement un match amical. Parailleurs, notre départ pour l'Afrique du Sud se fera à partir del'Algérie le 3 ou le 4 juin directement vers notre camp de base. Etprobablement nous aurons un match amical le 7 juin. Comment jugez-vous les adversaires de l'Algérie pour la CAN 2010 ? Jepense que le football africain a beaucoup progressé. Donc nous devronsavoir les meilleures équipes. Nous avons l'Angola qui est le paysorganisateur et qui a un très grand entraîneur qui est très connu del'équipe d'Algérie. Il y a le Mali avec un potentiel actuel de lasélection et nous avons le Malawi qui est une équipe à ne pas négliger.Je serai en Angola entre les 7 et 8 janvier. Le premier match sedéroulera le 11 janvier contre le Malawi. Vous avez appelé à suivre l'exemple européen pour l'organisation de la CAN. Quel est le modèle que vous défendez? En1985, j'ai souligné ce problème-là à la CAF pour dire que c'estinadmissible de jouer deux manifestations de haut niveau au cours d'unemême année. Il faut suivre l'exemple européen. Les Européens jouentdeux ans avant et après le Mondial. Les Sud-Américains jouent une annéeaprès le Mondial et après le championnat. Il y a un autre problème. Lesjoueurs de la sélection algérienne ou autres jouent en pleinchampionnat et en pleine saison, donc ils auront du mal à gérer cettesituation avec leurs clubs. Ces clubs doivent les libérer pendant unmois et demi. Heureusement que la CAF va appliquer ce système à partirde la saison 2013-2014. Comment voyez-vous le championnat du Maroc? Aumoment où j'étais au Maroc, les clubs n'étaient pas assez structurésqu'actuellement. Le bilan que je peux faire aujourd'hui c'est qu'il yavait beaucoup de progrès pendant la période de l'ancien présidentHousni Benslimane et même depuis l'arrivée du nouveau président.Aujourd'hui, je constate qu'il y a une certaine structuration au niveaudes clubs et aussi au niveau de l'encadrement et du staff technique.Les équipes du Raja et du Wydad sont toujours professionnelles,dynamiques et en bonne forme. Il y a également les FAR qui semaintiennent à un bon niveau. Par contre, c'est dommage pour le Kawkabde Marrakech qui a du mal à gérer ses rencontres. Et bien d'autresclubs comme la révélation du Moghreb de Tétouan, le MAS qui joue lepremier rôle et Tanger qui commence à revenir. Je confirme qu'il y aune meilleure qualité organisationnelle et également technique dufootball marocain. Que pensez-vous de l'expérience de quatre techniciens à la tête de l'équipe marocaine? C'estune période transitoire qu'il faut gérer après le départ de RogerLemerre qui est une personne que je respecte beaucoup. Je pense quemettre quatre techniciens à la tête du Onze marocain est difficile àgérer. Parce ce que j'ai déjà vécu ce genre d'expérience où il n'y apas une répartition claire des tâches. Je ne sais pas ce qui se passe àl'intérieur. Mais la bonne solution dans le monde entier reste dechoisir un bon sélectionneur qui prendra les commandes de l'équipe avecdes adjoints de haut niveau. À votre avis, qu'est-ce qui manque à l'équipe nationale marocaine? Voussavez, ce n'est pas facile de juger ou de s'impliquer dans lesproblèmes qu'on ne connaît pas au sein de l'équipe nationale marocaine.J'ai déjà discuté avec pas mal d'amis marocains notamment ceux qui ontdirigé la Coupe d'Afrique 2008. Je crois que la problématique actuelledu football marocain réside dans le fait que le Maroc a des joueurstalentueux qui sont de très hauts niveaux notamment en Europe, mais iln'y a pas d'homogénéité entre eux. Le problème c'est que les joueurscontinuent à jouer en dehors de l'équipe nationale, une équipe censéeêtre complémentaire, motivée, qui veut aller loin et prête à hisser ledrapeau marocain. Je pense que le problème est surtout à ce niveau-là.Il faut choisir des joueurs qui sont complémentaires dans la mentalitéet dans l'amour de la patrie. Êtes-vous parmi les entraîneurs qui pensent que ce sont les internationaux qui ramènent la victoire à l'équipe ? Effectivement,sur le plan technique, les internationaux ont des qualités meilleuresque les joueurs locaux qui n'ont pas eu de la chance de partir jouerdans des championnats européens. Dans le cas où nous avons un excellentjoueur international, mais qui n'a pas une volonté d'intégration, unepersonnalité et la motivation de venir défendre les couleursnationales, là il vaut mieux ramener un joueur local. Même s'il estplus faible techniquement. Le joueur local a les élémentspsychologiques et mentaux qui comptent beaucoup plus que les élémentstechniques à ce moment-là. Et moi je vais aller encore plus loin. Quandj'ai deux joueurs de même niveau technique, l' un à l'étranger etl'autre dans une équipe locale, je vais opter pour le joueur localparce qu'il est motivé pour la patrie.