Pour cet expert, en l'absence d'une véritable campagne de sensibilisation sur les concepts d'économie islamique globalisante, la baisse de la TVA ne pourra pas à elle seule propulser les produits alternatifs. ALM : La finance islamique redevient au-devant de la scène avec une baisse de 20 à 10 % de la TVA sur les produits islamiques au Maroc. Comment trouvez-vous cette décision prévue dans le projet de loi de Finances 2010? Belkacem Boutayeb : La décision était attendue et souhaitée. Elle est pertinente et juste en venant a priori corriger un dysfonctionnement regrettable, par rapport au positionnement de ces produits, qui les rendait non-concurrentiels. Quelle est la clientèle cible de ces produits-là et à combien estimez-vous cette clientèle au Maroc ? Tout un chacun peut être intéressé et motivé par la possibilité de recourir à des formules de financement islamique, dès lors que ces produits ne sont pas taxés outre mesure, que l'argumentaire commercial et éthique est subtilement développé, et que la cible de clientèle est réconfortée dans la liberté de choix... Je ne saurais évaluer quantitativement, mais je peux vous assurer que l'attrait peut être réel et concret, au vu et au su des sensibilités culturelles et cultuelles des populations. Avec cette baisse de la TVA, les produis islamiques deviennent compétitifs. Mais, par rapport à un produit traditionnel, comment se positionne le produit islamique ? Est-il toujours plus cher ? La baisse de la TVA ne va pas miraculeusement propulser ces produits dits «alternatifs» au-devant de la scène, en termes de part de marché, en l'absence d'une véritable campagne de sensibilisation et de vulgarisation sur les concepts d'économie islamique globalisante, dans une approche «alternative» différente, basée sur la solidarité communautaire, le partage des risques , de la responsabilité et des revenus. En accordant des avantages aux produis islamiques, ces derniers peuvent-ils concurrencer un jour les produits classiques ? Tant que ces produits sont «hébergés et véhiculés» par des établissements bancaires traditionnels, en l'absence d'un véritable marché concurrentiel, de sociétés d'investissements et de banques islamiques dédiées, il est mal aisé de parler de capacité concurrentielle pour les produits alternatifs. Le fait qu'il y ait un léger surcoût par rapport à des produits financiers traditionnels ne saurait, dans le moyen terme, constituer un handicap majeur et insurmontable de l'attractivité de ces produits sur une grande partie de la population. À votre avis, les banques marocaines seront-elles intéressées par ce marché ? Les banques marocaines, par ailleurs très performantes et se positionnant superbement au Maghreb et sur le continent africain, peuvent parfaitement jouer le rôle de relais commercial pour ces produits financiers islamiques, si demain l'Etat régulateur décide des formules d'incitation et d'encouragement en faveur de ces nouvelles opportunités de financement. Cela, au-delà de toute connotation religieuse réductrice et dans la volonté affichée de notre pays d'élargir le paysage financier et bancaire au Capital Risque et aux banques coopératives et participatives, afin d'attirer davantage d'investisseurs potentiels du Golfe arabe, d'Asie, du Moyen-Orient et de la diaspora marocaine, maghrébine et africaine. Une simulation de Lahcen Daoudi sur un crédit Mourabaha avec 20 et 10% de TVA M. X achète en 2009 un appartement de 900.000 DH avec mourabaha. Il avance 300.000 DH. Il lui reste à payer 600.000 plus la rémunération de la banque qu'on suppose de 60.000 DH. Le tout étalé sur 120 mensualités. La mensualité en 2009 est de : ((600.000:120)+ TVA ))+ ((60.000:120)+TVA)) = 5000 DH +5000×20% + 500 + 500×20% = 5000 DH + 1000 DH +500 DH +100 DH = 6600dh La somme de la TVA est donc de 1100 DH par mois soit 132.000 DH pour les 120 mois En 2010 on ne paie plus la TVA sur les 5000 dh et uniquement 10% sur les 500 DH. Donc la mensualité en 2010 ne sera plus que de : 5000 DH + 500 DH + 500 x 10% = 5000 DH + 500 + 50 = 5550 DH par mois La TVA mensuelle ne sera plus que de 50 DH au lieu de 1100 DH, et sur la totalité 6.000 DH au lieu de 132.000 DH, soit une économie substantielle de 126.000 DH.