Youssef est un jeune homme sympathique, jouissant d'une bonne réputation. Seulement la rancune que lui voue sa belle-mère l'a mis hors de lui au point qu'il a poignardé sa femme et a tenté de se suicider. Personne ne pensait que Youssef serait un jour dans un pareil état. Avec son jean et sa chemise noire, Youssef, vingt-deux ans, se tient au box des accusés, les larmes aux yeux. Nous sommes à la Chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca. La salle d'audience est archicomble. Ce jeune employé semble avoir regretté son acte qui l'a conduit à être poursuivi pour une lourde accusation. «Tu es accusé de tentative d'homicide volontaire, qu'as-tu à dire?», demande le président de la Cour à l'accusé. Youssef garde le silence durant quelques secondes avant de déclarer : «C'est ma belle-mère qui a verrouillé la porte. J'étais enfermé à l'intérieur en compagnie de ma femme et de notre petite fille durant cinq jours... Elle ne voulait plus de nous... Je ne sais pas pourquoi...». A-t-il raison ou tort ? Le président reprend: «Rien de ce que tu racontes n'est mentionné dans le dossier de l'affaire où l'on peut lire que lorsque ta belle-mère a été relâchée après avoir purgé une peine de quatre mois de prison ferme pour débauche, tu l'as interdite d'accéder à son domicile. Tu lui as demandé de ne plus revenir chez elle et tu l'as menacée de tuer sa fille et de te suicider si elle avisait la police... Et quand elle a informé la police, tu as ligoté ta femme et l'as poignardée avant de tenter de te suicider...». Youssef écarquille ses yeux comme s'il venait de découvrir une nouvelle. «Oui, ma belle-mère est la cause de tout ce qui nous arrive car elle me déteste...». Youssef se tait, attend la décision du président. Celui-ci s'adresse à l'un des témoins, Bouchaïb, qui prête serment et affirme : « Youssef est une personne sympathique ayant une bonne réputation. J'ai remarqué sa belle-mère qui tentait d'ouvrir la porte. Je ne sais pas quel genre de problème il avait avec sa belle-mère». Un autre témoin approuve le témoignage du premier. Le représentant du ministère public se lève, prend la parole pour mentionner qu'il s'agit : «d'un conflit familial, d'un mari qui vit avec sa femme et leur fille de deux ans sous le toit de sa belle-mère. Ils étaient toujours en conflit au point qu'il a décidé de ne plus laisser sa belle-mère rentrer chez elle et l'a menacée de meurtre». Le représentant du ministère public a requis la peine maximale contre Youssef. L'avocat de Youssef, qui écoutait attentivement le réquisitoire, se lève, avance de quelques pas vers le box des accusés et s'approche de son client. Il commence sa plaidoirie en soulignant que : «Le problème remonte au premier jour de la grossesse de Malika... Elle est tombée enceinte après avoir eu une relation extraconjugale avec Youssef... Une relation qui n'a jamais plu à la mère et qui a fini par un mariage durant la grossesse... C'est à ce moment que la mère de Malika a commencé à nourrir une rancune envers Youssef et tentait à chaque fois de se venger... Et le voilà dans le box des accusés en train d'attendre votre sentence M. le président... C'est la rancune de la belle-mère qui a détruit ce foyer bien que le couple s'aimait...». L'avocat retrace le parcours de Youssef avant de conclure que:«Cette histoire est fondée sur la vengeance, ni plus ni moins, et ses victimes ne sont autres que Youssef, sa femme et leur fille...». Il réclame l'acquittement au bénéfice du doute. À ce moment, l'épouse de Youssef qui occupait un siège parmi l'assistance, le quitte, se dirige vers le président et lui délivre un désistement au profit de son mari. Mais la Cour était ferme, bien qu'elle lui ait accordé les circonstances atténuantes, résultat : dix ans de réclusion criminelle.