Pour Philippe Moureaux, ministre d'Etat fédéral et maire de Molenbeek, l'Algérie cherche à créer un Etat- croupion au Sahara. ALM : Dans quel cadre intervient votre visite à Laâyoune ? Philippe Moureaux : J'ai visité Laâyoune il y a plus de deux ans parce que c'est vrai qu'en Europe nous ne connaissons pas la réalité de ce qui se passe dans cette région du Maroc, qui n'est pas une ville en état de siège comme on le fait croire. Cette région est bien sûre différente des autres. J'ai été très impressionné, intéressé et largement convaincu que la thèse de l'autonomie -qui est en gestation- était sans doute la thèse la plus intéressante. Alors je suis venu pour voir comment les choses évoluaient, et comment le dossier de l'autonomie évoluait-il depuis ma dernière visite. Et je suis très heureux d'être là. Comment jugez-vous le projet de l'autonomie proposé par le Maroc ? Quand l'idée de l'autonomie a été lancée, j'ai trouvé qu'elle a un double avantage. D'abord comme dans toute négociation internationale, il y a un moment où il faut bouger, et on avait l'impression que personne ne bougeait, ni du côté du Polisario et de l'Algérie ni du côté marocain. Le Maroc a repris l'initiative en faisant cette proposition, donc sur le plan diplomatique c'est très important de reprendre l'initiative de faire bouger un dossier. En deuxième lieu, je pense que par rapport à la réalité de cette région, on peut comprendre que nous sommes dans une région qui a son côté spécifique et particulier. Donc l'idée d'avoir une compétence plus large que d'autres régions peut se défendre. Que pensez-vous de l'idée des séparatistes qu'est la création d'un Etat indépendant ? J'ai toujours été parmi ceux qui ont été très sceptiques sur la possibilité de création d'un Etat indépendant qui serait à mon avis un Etat-croupion au Sahara entièrement manipulé par un autre Etat, et qui n'aurait ni les moyens ni les bases nécessaires pour un développement normal. Donc je trouve que la solution d'une large autonomie est sans doute la plus positive pour le peuple sahraoui. Et ce que je regrette, c'est que du côté du Polisario et de l'Algérie, on n'essaye pas d'avancer dans ce sens-là. Je demande à l'Algérie et au Polisario de bien prendre en compte ce projet qui peut être à la base d'une réconciliation, et je fais le parallèle avec la conciliation à l'intérieur du Maroc, qui était une chose extraordinaire. Les années de plomb étaient très dures pour une partie de la population et pour certains politiques et intellectuels. A la fois le Maroc a ouvert le livre et en même temps à travers l'Instance équité et réconciliation, il a réussi une chose exceptionnelle, c'est de dire la vérité et réhabiliter ceux qui ont été victimes, tout en n'ouvrant pas procès sur procès. Ce qui fait qu'il peut être un bel exemple, qui pourra être suivi au niveau international. Pour ce qui est de l'aspect diplomatique, je constate qu'au niveau international le Maroc a réussi à faire bouger les lignes en sa faveur, parce qu' il est à l'offensif, et il propose des choses et ne se contente pas de dire continuons comme si rien ne s'était passé. Quelle impression gardez-vous de votre visite au Sahara ? Il faut venir sur place et voir le développement que connaît cette région, par exemple la politique de développement à Laâyoune que le Souverain du Maroc a initiée. L'un des aspects de cette politique qui m'a impressionnée le plus, c'est ce qu'on appelle ville sans bidonville que je trouve formidable et qui a bien réussi. Y'aura-t-il des partenariats entre la région de Laâyoune et Molenbeek ? Oui, nous avons une maison des cultures et de la cohésion sociale à Molenbeek, dans laquelle nous allons organiser une journée sur Laâyoune pour présenter à la population la réalité de cette ville, ce qui nécessitera un certain temps. Et on va aussi consacrer au Sud marocain une semaine culturelle qui serait une manière tout à fait positive pour montrer l'évolution remarquable de cette région marocaine.