L'objet de l'ire présidentielle est le rejet par l'Assemblée nationale du projet de loi sur le téléchargement illégal pour la simple raison que les députés UMP étaient moins nombreux dans l'hémicycle que les députés socialistes. Trois hommes peuvent se targuer d'avoir gâché le week-end pascal de Nicolas Sarkozy et de l'avoir obligé de sortir de ses gongs dans une colère aussi noire que démonstrative dont les murs du château de l'Elysée résonnent encore. Ce sont par ordre de gravité coupable, Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP, Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement et François Fillon, Premier ministre. Nicolas Sarkozy ne peut plus en parler sans que fusent, par jet d'étincelle, sa déception et son amertume. L'objet de l'ire présidentielle est le rejet par l'Assemblée nationale du projet de loi sur le téléchargement illégal pour la simple raison que les députés UMP, le parti du président, étaient moins nombreux dans l'hémicycle que les députés socialistes. Devant ses conseillers qui, à dessein, l'ont fait fuiter vers la presse pour bien communiquer le courroux présidentiel, Nicolas Sarkozy aurait littéralement explosé : «Ce qui s'est passé n'est pas professionnel, c'est lamentable, de l'amateurisme (…) Ils sont géré ça comme des amateurs alors que c'était un engagement présidentiel». Les hommes visés par la colère de Nicolas Sarkozy se sont fait tout petits. D'abord Jean-François Copé qui avoue ne pas avoir eu de contacts avec le président de la République depuis cette déconvenue, déclare assumer ses responsabilités et annonce l'instauration d'un mécanisme susceptible d'éviter de telles surprises. Mais Jean-François Copé n'a versé ni dans l'auto-flagellation excessive ni dans le regret dégoulinant. C'est que ses relations avec le président ont toujours été empreintes d'une forme de défi et de mésentente structurelle dont les origines se trouvent sans doute dans la formation du premier gouvernement de François Fillon et les mécanismes d'ouverture qui l'avaient enfanté. Signe de cette mauvaise alchimie, alors que Nicolas Sarkozy voulait un groupe parlementaire discipliné, homogène, Jean-François Copé avait publiquement milité pour des parlementaires UMP à la libre appréciation. Ils ont eu l'occasion de montrer dans le passé sur des projets de lois sur les OGM, le travail de dimanche et maintenant le téléchargement illégal. Le second homme qui a reçu la malédiction de Nicolas Sarkozy est Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. Pour lui, un des amis intimes de longue date du président de la République, «c'est sûr», la colère présidentielle «impacte sur nos relations. Quand on a un lien constant, régulier de fidélité et de loyauté, quand on a en plus le sentiment profond de faire le job à fond, on est forcément amer (…) Je vis très mal ce vote ». Roger Karoutchi semble avoir été atteint par le mauvais œil. Après cet épisode qui le prive définitivement de l'affection présidentielle et qui met un grand point d'interrogation sur son avenir ministériel, Il venait de sortir d'une parenthèse de perdant qui risque de le plomber pour longtemps. N'a-t-il pas perdu les primaires UMP pour conduire la liste aux élections régionales de 2010 au profit de son collègue du gouvernement Valérie Pecresse, et ce, malgré la révélation de son homosexualité, une démarche qui visait à combler son flagrant déficit de notoriété ? Le troisième homme qui a récolté les mandales de Nicolas Sarkozy est son Premier ministre François Fillon qui semble avoir replongé dans son spleen gouvernemental. Il est reproché au locataire de Matignon de ne pas avoir suffisamment d'autorité pour accomplir sa mission de chef de la majorité, de ne pas pouvoir pallier aux insuffisances du président qui «ne peut être partout». Ces critiques qui, sous d'autres cieux et en d'autres périodes, auraient entraîné rage et désespoir, ne provoquent ni surprise ni haussement de sourcils. Les deux hommes entretiennent des relations tellement plates qu'ils donnent l'impression de deux divorcés vivant sous le même toit, dans la lente attente d'une délivrance qui viendrait à travers une séparation par consentement mutuel.