Échaudés par le prix du billet d'avion, les Marocains du Sénégal utilisent de plus en plus l'axe routier Dakar-Tanger. Face à la cherté du billet d'avion, les Marocains installés au Sénégal ont trouvé le «modus operandi» pour aller passer leurs vacances dans leur pays : La route transsaharienne Dakar-Tanger. Au prix actuel de 7.500 DH et près de 10.000 DH durant l'été, le billet d'avion Dakar-Casablanca est devenu hors de portée pour les membres de la communauté marocaine établie au Sénégal, en majorité des étudiants ou de petits commerçants touchés de plein fouet par la crise économique et la concurrence des produits chinois. Et ce qui était une affaire d'aventuriers, il y a peu d'années, est devenu le moyen de presque toute une communauté pour contourner l'avion, surtout après le bitumage de la route entre Nouakchott et Nouadhibou, dans le nord de la Mauritanie. Alors, voir des voitures dans les rues de Dakar, avec des immatriculations marocaines, cela ne suscite plus la curiosité. Mohamed. B a goûté au plaisir de cette route il y a 4 ans et depuis, il n'a jamais ou presque mis les pieds dans l'avion pour aller au Maroc ou revenir au Sénégal où il tient une boutique de produits d'artisanat dans la célèbre avenue Mohammed V à Dakar. Désormais, il compte au total une dizaine d'allers-retours par route. «Avec les prix actuels, je ne peux pas me permettre d'acheter des billets pour moi, ma femme et mes trois enfants», se désole-t-il. «Aller en route me permet de faire beaucoup d'économies et de découvrir les paysages fantastiques du Sahara au Sénégal, en Mauritanie et au Maroc», dit-il, enthousiaste. Pour les Marocains, surtout ceux ayant une famille nombreuse à charge, l'équation est devenue trop simple: Faire 3.000 km par route entre Dakar et Casablanca ou rester au Sénégal. «Je ne peux pas sacrifier toutes mes économies annuelles pour acheter des billets d'avion», tranche son compatriote Ali, qui a fait 4 allers-retours entre Dakar et Fès, sa ville natale. Inutile d'évoquer le sujet avec les étudiants marocains car l'énorme écart entre le prix à payer pour un voyage par route (2500 DH) et celui d'un billet d'avion ne laisse point de place à l'hésitation. A la fin des examens, c'est la ruée sur cette route pour la majorité de ces 600 étudiants. «C'est vrai que le trajet de 3000 km est un peu long, mais c'est très économique et cela fait un grand plaisir de voir les beaux paysages du désert», lâche l'un d'entre eux, de retour du Maroc. Face à la hausse de la demande, le métier de transporteur routier entre le Maroc et le Sénégal a fait son apparition. Après avoir exercé durant plusieurs années comme artisan à Dakar, Rachid a décidé il y a 5 ans de faire sa mue. Et il ne le regrette pas. Il achète une fourgonnette et commence à faire des navettes entre le Maroc et le Sénégal. En plus des passagers, Rachid transporte les articles d'artisanat (babouches et chaussures) pour les commerçants marocains ainsi que les colis contenant des cadeaux et autres objets envoyés par les familles marocaines à leurs proches au Sénégal, notamment les étudiants. «Ce que je gagnais en un an comme cordonnier, je le fais actuellement en trois mois», avoue-t-il. En plus de Rachid, cinq autres marocains ont choisi de se lancer dans ce métier passionnant, qui pâtit de l'absence d'un accord entre le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal. Quelques années après sa mise en service, la route transsaharienne joue en effet déjà un rôle considérable dans la consolidation des échanges humains et commerciaux entre le Maroc et le Sénégal. C'est grâce à cette route que certains produits, introuvables il y a quelques années, trônent désormais sur les étals des marchands des fruits et légumes à Dakar, comme la tomate ou la clémentine. Son rôle est appelé à s'accroître davantage avec la prochaine construction du pont Rosso sur le Fleuve Sénégal, à la frontière avec la Mauritanie, et l'aménagement d'aires de repos et de stations de service entre Nouakchott et Nouadhibou. • Mohamed Touzani (MAP)