À-coup de SMS, les publicitaires atteignent désormais plus facilement leur cible. Le marketing mobile cause des désagréments à des consommateurs qui restent les mains liées. Au même rythme de leur arrivée sur la Toile, les Spams par SMS se développent jour après jour au Maroc. Aïd El-Fitr : 24 millions de SMS échangés en une journée. Aïd El Adha : 20 millions de SMS enregistrés rien que sur le réseau Maroc Telecom. Les fêtes de fin d'année seront aussi une occasion d'échanger quelques SMS (Short Message Service) ou texto. Derrière ces trois lettres, il y a toute une industrie. Au-delà des simples vœux envoyés à l'occasion des fêtes, les jeux, les pubs et autres paris par voie de SMS foisonnent. Le marketing par texto est né. Il est la mode. Il permet de vendre plus. Il atteint facilement ses cibles. Il est moins cher qu'une campagne traditionnelle de publicité. Et ça marche. Pas un jour ne se passe sans que l'on reçoit une invitation à adhérer à un club de sport, à participer à un jeu pour gagner une magnifique 4x4, à télécharger une sonnerie ou autres photos de stars, à bénéficier d'une réduction sur l'achat de produits de telle ou telle franchise… De récentes études en Europe ont pu démontrer qu'une campagne de marketing par SMS serait en moyenne 130 % plus percutante qu'une campagne radio et 50% plus efficace qu'une campagne télévisée. Au Maroc, il n'y a pas de chiffres concernant ce secteur. Mais, d'ores et déjà, des entreprises se spécialisent dans ce nouveau créneau. Une campagne publicitaire par SMS pour 20.000 personnes coûte 24.000 dirhams. «L'avantage c'est qu'à travers le marketing mobile nous choisissions les catégories CSP, les villes, la date et l'heure de l'envoi. Bien sûr, le message doit être bref, précis et clair !», explique une directrice commerciale et marketing d'une grande entreprise à Casablanca. Un SMS publicitaire ne doit pas dépasser 160 caractères. Il doit aussi arriver au bon moment sur votre portable. Les publicitaires conseillent d'éviter l'envoi de SMS les dimanches et les jours fériés. L'idéal serait un samedi matin. Tout est construit pour atteindre au bon moment la bonne cible. Côté consommateur, d'aucuns expriment leurs désagréments à la réception d'une «avalanche» de SMS. «Télé, affichage, presse, radio, Internet, PLV… On nous traque partout ! Et nous n'avons aucune solution pour arrêter cette ingérence publicitaire», déplore un jeune père de famille. Les Spams par SMS se développent jour après jour au Maroc. Que prévoit la loi pour défendre le consommateur de ces texto ? L'Agence nationale de réglementations des télécommunications (ANRT) reconnaît que «le marketing par SMS est une pratique répandue partout dans le monde qui constitue parfois une source de désagréments pour les consommateurs». Dans ce sens, un arrêté ministériel fixant les modalités de publicité et d'information du consommateur en matière de services de télécommunications a été publié le 7 juin 2007. Dans ce texte, l'article 6 prévoit, entre autres, la mise à la disposition du client de la possibilité de ne pas recevoir le message publicitaire transmis par SMS ou par voie électronique. «Une possibilité qui n'existe pas dans la réalité. Je suis assaillie quotidiennement par des messages publicitaires !», remarque une jeune Casablancaise, cadre dans une grande entreprise et cible privilégiée d'enseignes de vêtements, chaussures et parfums. Cette obligation pour les fournisseurs de services et les opérateurs de mettre un lien sur le SMS pour permettre aux consommateurs de ne plus le recevoir reste lettre morte. Quel est donc le rôle du gendarme des télécoms au Maroc ? «L'ANRT agit en amont à travers l'instauration d'un cadre qui s'impose aux exploitants de réseaux publics de télécommunications et aux fournisseurs de services à valeur ajoutée. En aval, elle mène des investigations à chaque fois qu'elle est saisie». Un nouveau projet de loi 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel (voir encadré) est censé apporter plus de protection. Ce texte devra entériner le principe du consentement préalable de la personne physique à recevoir ce genre de message et prévoit surtout des sanctions en cas d'atteinte à ce principe. Ainsi, toute personne crée un dossier de données personnelles sans avoir obtenu une autorisation pour le faire va être soumise à une sanction allant de 10.000 dirhams jusqu'à 100.000 dirhams. La sanction la plus grave est prévue par l'article 57. Cet article stipule qu'une peine d'emprisonnement allant de 6 mois à 2 ans et/ou une amende qui varie entre 50.000 dirhams et 300.000 dirhams sera appliquée à l'encontre de toute personne ayant traité les données personnelles sans une autorisation claire de la part des personnes concernées. En attendant l'entrée en vigueur de nouveau texte de loi, des Marocains et Marocaines, triés sur le volet pour les besoins de chaque campagne publicitaire, continuent à être «bombardés» de SMS publicitaires. À l'ANRT, on rappelle que les opérateurs n'ont pas le droit de vendre la base de données de leurs clientèles à ces entreprises spécialisées dans le marketing mobile. Et ce, en vertu des dispositions de l'article 26 de la loi n°24-96 relative à la poste et aux télécommunications. «L'article 5 du décret 1026 a réitéré ledit principe, auquel aucune exception ne peut être admise que dans le cadre des prescriptions exigées par la sécurité publique et la défense nationale et des prérogatives de l'autorité judiciaire. Il a aussi édicté une règle d'or en la matière, à savoir qu'aucune information identifiant un usager ne puisse être divulguée à un tiers sans le consentement de l'usager concerné», selon les responsables de l'ANRT. Selon la loi, les exploitants doivent assurer la confidentialité des informations détenues, particulièrement les informations nominatives, et s'assurer que toute information transmise ou stockée ne peut être divulguée à un tiers sans le consentement de l'usager concerné. La seule exception prévue par le législateur concerne évidemment la défense nationale et la sécurité publique et les prérogatives de l'autorité judiciaire. Selon toujours des textes de loi, les exploitants doivent garantir deux droits à tout usager. D'abord, celui de s'opposer, sans frais, à l'utilisation, par l'exploitant, de données de facturation le concernant à des fins de prospection commerciale. L'usager a aussi le droit d'interdire, toujours sans frais, que les informations identifiantes le concernant, issues des listes d'abonnés, soient utilisées dans des opérations commerciales. Une exception a été prévue concernant la relation contractuelle entre l'exploitant et l'usager. «La loi est une chose, la réalité c'en est une autre. Je suis une victime de ces Spams par SMS», lance une jeune Casablancaise, la trentaine, haut cadre dans une banque de la place. Lassée, pour elle «la seule solution qui reste est de mettre mon numéro sur une liste rouge !». Un marché en forte croissance Le tarif de base d'un SMS applicable par les opérateurs mobiles est de 0.80 DH HT par message. Au cours de l'année 2007, le marché des SMS a connu une augmentation de 26,35%, passant de 1,48 milliard d'unités en 2006 à 1,87 milliard d'unités en 2007. Une nouvelle loi en gestation En plus de l'arrêté ministériel fixant les modalités de publicité et d'information du consommateur en matière de services de télécommunications du 7 juin 2007, la protection des consommateurs devrait marquer un nouveau pas. Un projet de loi 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel est actuellement en cours d'examen au Parlement. Il viendra réglementer l'envoi de SMS à des fins de prospection commerciale et les conditions d'utilisation des coordonnées d'une personne physique pour lui transmettre des prospections directes par ce moyen.