La fatwa du cheikh Al-Maghraoui autorisant les filles à se marier dès l'âge de 9 ans est une aberration. Pour légitimer sa fatwa, le cheikh a cité l'exemple du Prophète Mohammed. Sachant que la fatwa est un jugement scientifique sur une question touchant la vie des musulmans, celle d'Al-Maghraoui sera sans echo. Signalons d'abord deux choses établies : - Un cheikh, en Charia, est un savant réputé, tant par son savoir que par sa piété et sa moralité en société. Ses interprétations sont d'autorité et fort appréciées par la majorité de la population. Est-ce le cas de Monsieur Mohamed Ibn Abderrahmane Al-Maghraoui? Une réponse affirmative serait discutable. Une Fatwa, en Charia, est un jugement scientifique sur une question touchant la vie des Musulmans, prononcé par un conseil d'Ouléma ou par un docte renommé (après consultation collective de savants compétents), mais n'émanant jamais d'une personne contestable. L'avis exprimé par «Cheikh» Al-Maghraoui constitue-t-il une fatwa ou une simple opinion ? Nous penchons plutôt vers la deuxième notion. Quoi qu'il en soit, l'Islam semble aujourd'hui mal servi par certaines personnes prétendant le défendre que par ses ennemis déclarés. L'exemple le plus récent est la «fatwa» édictée par le «cheikh» wahabite Mohamed Ibn Abderrahmane Al-Maghraoui (marocain), autorisant le mariage de la fille de neuf ans. Mais sur quelle base fonde-t-il son avis ? Sur la «promesse d'alliance» du Prophète Sidna Mohammed - que la paix soit sur Lui - avec Aïcha, fille d'Abou Bakr Assiddiq (premier calife éclairé), âgée alors de neuf ans. Nous disons bien «promesse d'alliance» et non mariage, parce qu'il ne s'agissait encore que de «fiançailles». Toutes les bonnes sources de la Sunna sont unanimes là-dessus. En effet, le Prophète n'était nullement pressé de placer Aïcha sous le toit conjugal. Il avait décidé d'attendre quelques années pour qu'elle grandisse encore. Et ce fut bien après la date de Son émigration de la Mecque à Médine (Al-Hijra) qu'il accepta la célébration des noces, à la demande expresse de la mère de Aïcha, qui s'appelait Oum Roumane. La toute jeune fille avait atteint quatorze ans révolus. Pourquoi le cheikh Al-Maghraoui parle-t-il alors de «mariage», insinuant sa consommation au neuvième printemps? D'ailleurs, en demandant si tôt la main de sa future épouse, le Prophète en respectait la tradition qui prévalait d'une part, et en annonçait sa bonne foi et son engagement d'autre part. Car, par la proclamation de ces fiançailles, aucun prétendant ne pouvait frapper dorénavant à la porte d'Abou Bakr Ibn Assidiq. Cependant, l'union réelle et officielle de Aïcha et du Prophète, même après quatorze ans, ne peut constituer un support légal de la «fatwa» d'Al-Maghraoui. Limitons-nous à deux arguments fondamentaux : 1) Le choix de Aïcha comme épouse du Prophète ne résultait point du désir de ce dernier. «Ce mariage fut inspiré au Prophète d'Allah, par révélation» apprend-on dans les sources islamiques idoines. Une citation de la Sunna confirme cette réalité. «L'Ange Gabriel a présenté au Prophète l'image de Aïcha dans un tissu de soie vert, en lui disant : voici ton épouse dans ce bas monde et dans l'au-delà». C'est un Hadith authentique cité par le prestigieux rapporteur de la Sunna Attarmidi. 2) Compte tenu de l'argument ci-dessus, Aïcha était prédéterminée physiologiquement, prédestinée mentalement et destinée socialement à être le conjoint du Prophète Sidna Mohammed en secondes noces, pour l'aider dans Sa Mission à l'Humanité et diffuser Sa Tradition après Sa mort. En effet, à la disparition de Khadija (première femme du Prophète) un vide devait être comblé dans l'esprit et le cœur de Sidna Mohammed, que la paix soit sur Lui. Le tour d'une nouvelle épouse moins âgée qui Lui servirait de soutien spirituel et intellectuel était venu, après celui d'une épouse plus âgée qui représentait un soutien matériel (par le commerce) et ethnique (par le statut tribal et l'influence morale au sein de la communauté). D'ailleurs, «le Prophète appréciait chez Aïcha sa piété, son intelligence, sa bonne mémoire et sa pénétration d'esprit» dont les étincelles prémonitoires brillaient bien à l'âge de neuf ans. Ces facultés remarquables portèrent leurs fruits escomptés. Le grand érudit musulman, El Hakim, dans son célèbre ouvrage «Al-Moustadrak», affirme que «Aïcha fut à l'origine du quart des règles de la Charia islamique (…) A tel enseigne que des savants, Compagnons du Prophète, avaient recours à elle sur des questions concernant les obligations de l'Islam». Une question se pose alors: toutes les filles de neuf ans d'aujourd'hui peuvent-elles posséder les attributs extraordinaires alloués du Ciel à Aïcha, à la veille de ses fiançailles ? Et quel homme sensé, de nos jours, pourrait prétendre être l'envoyé de Dieu après Mohammed - sur Lui le salut - pour pouvoir s'unir à une fille aussi unique qu'Aïcha Bint Abi Bakr ? Maintenant, de deux choses l'une : soit que le « cheikh » Al-Maghraoui a lu et compris les explications des grands doctes de la Sunna sur cette question mais tente sciemment de les déformer dans le sens qu'il vise, soit qu'il ignore carrément la vérité en s'attribuant, avec outrecuidance, la capacité de décréter absurdement et faussement une «fatwa». Dans l'un comme dans l'autre cas, son avis est une hérésie qui frise le dégoût, n'ayant d'égal que l'impudicité de sa motivation inavouée. Par quelle logique voudrait-il commuer en usage commum, un événement exceptionnel ancien de quatorze siècles, concernant strictement un Prophète, en voulant l'appliquer à tous les mortels du troisième millénaire? En chercherait-il une percée d'éclat pour se faire entendre, même démesurément ? En s'appuyant sur le mariage de Aïcha dans sa «fatwa», sans tenir compte de son contexte historique et de ses causes divines expliquées plus haut, le «cheikh» Al-Maghraoui semble s'inspirer partiellement d'un paragraphe coranique qui dit : «Malheur aux pratiquants de leurs cultes …», ignorant l'autre partie du verset: «qui négligent leurs prières». Finalement, sa «fatwa», aberrante et ignoble, n'aura été que peine perdue, comme un appel rauque en désert isolé ne renvoyant nul écho. • Par le Pr. Issa Babana El Alaoui