Le plus étonnant, c'est que ni la société civile ni nos «signeurs» n'ont vu dans cet échange d'amabilités un signe inquiétant. Le PJD tient son congrès. Comme d'habitude, il en fait un élément de sa stratégie de communication. Le congrès le plus cadenassé, celui qui est totalement orchestré en aval, parmi les vrais partis, c'est bien celui du PJD. Mais l'image véhiculée est celle d'une parfaite transparence, d'une grande démocratie interne où la compétition n'empêche pas une grande fraternité militante. On sait depuis longtemps que ces barbus (d'ailleurs ils ne le sont pas tous) sont maîtres dans l'art de communiquer. Ce congrès, c'est surtout celui qui démontre la réactivité du PJD, exactement ce qui manque à ses prétendus adversaires. En 2003, le PJD, après le traumatisme du 16 mai et la pression que société civile, Etat et partis ont exercée sur lui, avait choisi la normalisation comme stratégie. Il avait réussi à s'allier à tout le monde, même en abandonnant des présidences de communes. Cette fois il veut répondre à 3 objectifs : - Contrer Fouad Ali El Himma et son MTD. - Intervenir dans la crise de l'USFP. - Gérer un maximum de grandes villes. La réponse est un mix, impensable il y a quelques années : le PJD veut s'allier à l'USFP, profitant de l'offre faite par Driss Lachgar. Il ne sert à rien d'ergoter sur l'aspect « individuel » de la proposition de l'ex-président du groupe parlementaire de l'USFP. Elle reflète le desarroi d'une partie des militants de l'Itihad et surtout paraît pour certains la réponse idoine au «Nouveau venu». Le PJD en s'engouffrant dans la brèche, s'invite au débat interne de l'USFP et surtout lance un message : face au MTD, il faut une opposition forte et radicalisée et il n'y a que deux partis pour la faire. L'un des effets pervers de l'approche «péroniste» est celui-là : faire de l'opposition au tracteur un cri de rassemblement des forces antagonistes, ou censées l'être. A l'intérieur de l'USFP, il y a bien évidemment des forces pour rejeter cette alliance contre-nature. Elles paraissent même, en l'état actuel des choses, majoritaires. Il est cependant hasardeux de croire qu'il n'y a aucun risque, car le Tihad est en pleine crise identitaire, que ses militants ne savent plus où est-ce qu'ils habitent et qu'en cas d'accélération tout peut arriver, y compris le pire. Le plus étonnant, c'est que ni la société civile ni nos «signeurs» n'ont vu dans cet échange d'amabilités un signe inquiétant. Comme si le PJD avait réussi sa normalisation, au delà de ses espérances. Le double jeu, le double je, a très bien fonctionné. Le couple Ramid-El Othmani est une trouvaille hyper-intelligente . Pour tous les régressifs, c'est une tactique aussi vieille que l'astuce du bon et du mauvais flic. Cela permet de ratisser large tout en endormant les adversaires. Le PJD n'a pas changé d'un iota. Il s'attaque toujours et continuellement aux libertés individuelles, il mobilise sur une question identitaire fallacieuse, il inclut toujours le Maroc dans la nébuleuse de la Oumma, il veut toujours imposer son magistère moral sur la société. Il invoque toujours la religion comme seul argument ahistorique. Pire, il joue différemment sur les deux champs : le politique et le religieux. Présent au Parlement, il pourrait présenter des amendements au code de la famille et jouer à visage découvert face à tout le monde. D'autant plus que sur ce sujet, surfant sur le machisme et le conservatisme de la société, il avait réussi une grande mobilisation. Il ne le fait pas. Il laisse le soin à «Attajdid» de publier des fatwas contre certaines dispositions du code de la famille. Les pseudos fkihs prennent le relais des parlementaires. Les vases communicants entre le MUR et le PJD permettent toutes les hypocrisies. Ce n'est pas subtil, mais cela arrange aussi ceux qui en face veulent se coucher. En Iran le Toudah avait trouvé les amis de Khoumeini fréquentables, ils ont fini par massacrer tous ses militants.