Nombreux observateurs estimaient que la diplomatie française était encore traumatisée par le génocide rwandais et le conflit ivoirien pour ne pas doser le degré de son implication militaire. Depuis le début de la crise tchadienne et alors que les opérations d'évacuation des étrangers continuent, la diplomatie française avait émis de signaux troubles qui n'aidaient pas à la clarification ni de son approche ni de la politique qu'elle comptait mettre en œuvre pour clamer les esprits au Tchad. Tandis que le président Nicolas Sarkozy exprimait clairement son soutien au président tchadien Idriss Deby en affirmant que : «La situation au Tchad est d'abord préoccupante parce que le Tchad a un gouvernement (...) qui est sorti des urnes en 2004 (…) C'est un gouvernement légitime qui doit donc être soutenu» laissant pressentir une participation militaire française aux opérations contre la rébellion, son ministre de la Défense Hervé Morin avait tenu à refroidir les ardeurs. Il avait à plusieurs reprises rappelé que l'accord de coopération signé entre la France et le Tchad portait sur «le soutien et la logistique (...) ce n'est certainement pas une accord de défense». Et Hervé Morin de préciser que le seul élément «qui ferait que nous passerions à une phase plus opérationnelle serait une situation de légitime défense ou pour protéger nos ressortissants». Nombreux observateurs estimaient que la diplomatie française était encore traumatisée par le génocide rwandais et le conflit ivoirien pour ne pas doser le degré de son implication militaire. D'autres à l'inverse affirmaient que pour intervenir militairement, la France avait besoin d'une couverture internationale sous forme d'un mandat donné par une organisation internationale ou régionale. C'est ce qui explique la frénésie que les Français avaient investi pour faire voter une résolution des Nations unies soutenant clairement le président Deby. «Le Conseil de sécurité condamne fermement les attaques perpétrées par des groupes armés contre le gouvernement tchadien et toutes les tentatives de déstabilisation par la force». Depuis ce vote, la France a manifestement changé de ton et adressé de menaces à peine voilées de mater les rebelles. C'est le ministre des Affaires étrangères qui s'est chargé de faire passer le message. Juste après le vote du Conseil de sécurité, il parle de la présence militaire française au Tchad : «J'espère que nous n'aurons pas à nous en servir (…) Nous espérons bien ne pas avoir à intervenir plus avant (…) Nous n'avons pas l'intention de mettre les troupes françaises en alerte plus qu'elles ne le sont et d'entamer des opérations militaires». Sur les ondes d'une radio parisienne, le principal chef de la rébellion tchadienne, le général Mahamat Nouri a devancé les menaces de Bernard Kouchner : «L'aviation nous a bombardés depuis hier lundi jusqu'à mardi matin (…) Compte tenu de la résolution qui a été prise par les Nations unies donnant mandat à la France d'intervenir pour protéger le régime, nous serons amenés à prendre des nouvelles dispositions». Démenti immédiat de l'armée française dont le porte-parole estime que : «Ces déclarations sont absolument dénuées de tout fondement». Si la France dénonce vigoureusement les risques de déstabilisation du Tchad, elle se garde prudemment de reprendre à son compte les accusations portées par Idriss Deby contre le régime soudanais de Omar El Béchir de vouloir absolument susciter le chaos au Tchad pour éviter ou du moins retarder le déploiement des forces de l'Eurofor composée de quelque 3.700 soldats dans l'est du Tchad et en Centrafrique pour protéger 450.000 réfugiés du Darfour qui subissent selon de nombreuses organisations les pires violences. Dans un certain nombre de cercles de réflexion, l'analyse est faite selon laquelle il s'agit ni plus ni moins que d'un conflit entre Tchadiens sans réelle ni décisive influence extérieure. Si la diplomatie française, par calcul ou par clairvoyance, a encore quelques retenues stratégiques à l'égard de Khartoum, ce n'est pas le cas des Américains dont le porte-parole du département d'Etat affirme: «Nous nous sommes adressés au plus haut niveau du gouvernement soudanais pour dire que si celui-ci soutenait de quelque manière que ce soit ces rebelles, cela devait cesser immédiatement».