La «racaille» poursuit Nicolas Sarkozy qui se retrouve encore une fois face à une crise urbaine. Une aubaine pour ses adversaires. A peine descendu de l'avion qui le ramenait de Chine, Nicolas Sarkozy se plongeait déjà dans le drame de la violence urbaine qui secoue depuis dimanche la banlieue nord de Paris. Visite au pas de charge aux policiers blessés lors d'affrontements nocturnes avec des jeunes armés de carabines à la chevrotine, réunions au sommet avec la hiérarchie policière, audience express accordée à la famille des deux jeunes à moto décédés lors d'un violent choc avec une voiture de police, déplacement sur le théâtre des opérations avec cette déclaration censée véhiculer intransigeance et fermeté :«Ceux qui ont pris la responsabilité de tirer sur des fonctionnaires se retrouveront devant la Cour d'assises pour tentative d'assassinat»… Nicolas Sarkozy a déployé toute une armada de moyens et de gestes pour bien signifier la reprise en main de ce dossier extrêmement sensible d'une banlieue parisienne à feu et à sang. Alors qu'il avait rangé son frein pendant toute la semaine des grèves et des contestations sociales, de crainte, lui disaient ses conseillers, de ne pas tomber dans le piège de la provocation et de la surenchère avec des animateurs de la colère sociale qui n'aspirent qu'à la radicalisation de leur mouvement, il n'en pouvait être autrement quand il s'agit des questions de sécurité dans la banlieue, pour lui , l'ancien ministre de l'Intérieur, qui a tant fait et réfléchi sur la question. Les mots de «racailles» et de «karcher» qu'il avait utilisés pour stigmatiser les précédentes émeutes n'ont en rien empêché son élection triomphale à l'Elysée. Bien au contraire, utilisée intelligemment, cette posture de défiance virile à l'égard des caïds de la banlieue a beaucoup joué en sa faveur pour rabattre les franges les plus hésitantes de la droite et les plus méfiantes de la gauche. De cette époque datent aussi les multiples promesses faites à ces habitants des quartiers difficiles de tout mettre en œuvre pour les sortir de leur isolement social et de leur marginalité économique. Les événements de Villiers-Le Bel dévoilent crûment le peu de suivi qui avait été donné à ces propos de campagne et à ces propos de séduction provisoire. Et alors que Nicolas Sarkozy tente de reprendre la main sur ce dossier, il se trouve toujours des âmes charitables pour lui rappeler sa propre responsabilité de pyromane comme le fait avec une délectation manifeste Azouz Begag , l'ancien ministre de la Promotion et de l'Egalité des chances dans le gouvernement de Dominique de Villepin : «Cela la fait 25 ans que le feu couve, mais le candidat de l'UMP à l'élection présidentielle a jeté des bidons d'essence sur cette poudrière avec sa sémantique guerrière». Avant de décrire un inquiétant avenir qui attend ces banlieues : «Nous sommes hélas embarqués dans une histoire qui va considérablement nous rapprocher des grandes villes américaines et de leurs émeutes comme à Los Angeles où les gens ont fini par s'entretuer». Nicolas Sarkozy est confronté aujourd'hui à une réalité complexe: comment dépasser la vision qui consiste à ne voir dans ces événements que la tentative de quelques réseaux mafieux de protéger leurs illicites activités, vision que continue à populariser la ministre de l'Intérieur Michelle Alliot Marie lorsqu'elle affirme, martiale, que «quelle que soit la cause, quelle que soit la raison, on voit bien que ce sont des prétextes, pour quelques uns, pour régler un certain nombre de comptes ou pour camoufler des activités qui sont totalement délictueuses». Comment imaginer autre solution que le traitement sécuritaire qui au fil des mois a largement montré ses limites. Cette énième crise de la banlieue a été du pain béni pour l'opposition à Nicolas Sarkozy qui commence à donner de la voix. Tandis que le contriste François Bayrou estime qu'il est hors de question de se satisfaire «du retour au calme et des déclarations habituellement grandiloquentes, des plans annoncés majestueusement et qui ne sont pas suivis d'effets dans la réalité», la socialiste Ségolène Royal lance son appel : «J'appelle à une mobilisation nationale, toutes tendances politiques confondues, sur la question de nos quartiers, de l'avenir des jeunes dans nos quartiers, pour qu'ils aient l'espoir de trouver du travail». Tous savent que le problème de la sécurité dans les banlieues, qui a été pour Nicolas Sarkozy son cheval de bataille, peut aussi s'avérer son grand point faible.