Différents indices laissent à penser que le refus du gouvernement israélien d'envisager des pourparlers avec le Hamas se prête à certains accommodements auxquels une fraction du mouvement intégriste d'Ismaïl Haniyeh et Khaled Mechaal ne sont pas hostiles. C'est une signature peu fréquente que les lecteurs du quotidien libéral israélien Haaretz ont découverte dans l'édition du vendredi 21 septembre 2007, à la veille du Yom Kippour, la plus importante fête du calendrier religieux juif. Il s'agissait de celle d'Ahmed Yousef, l'un des principaux conseillers de l'ancien Premier ministre palestinien Hamas Ismaïl Haniyeh, acteur clef des négociations autrefois menées, grâce à la médiation égyptienne, pour obtenir la libération du caporal Gilad Shalit fait prisonnier par les Comités de résistance populaire le 25 juin 2006.Ahmed Youssef n'avait pas profité de la coïncidence entre les fêtes juives d'automne et le mois du Ramadan pour faire oeuvre d'œcuménisme. Il s'en tenait résolument au terrain politique, un domaine à propos duquel il était déjà intervenu dans les colonnes de Haaretz. Intitulant son éditorial : «Le Hamas est la clef de tout», Ahmed Youssef dresse un vigoureux réquisitoire contre le boycott dont son mouvement est la victime de la part de la communauté internationale depuis les élections législatives palestiniennes du 25 janvier 2006. Encore plus, depuis la conquête de la bande de Gaza par le Hamas le 15 juin dernier. Ce boycott est à ses yeux erroné : «Les politiques visant à la marginalisation du Hamas non seulement se traduiront par des échecs mais elles contribueront également à favoriser le développement de l'extrémisme en Palestine occupée. Associer le Hamas au débat et au processus politique palestinien permettra par contre d'encourager le pragmatisme et le sens de l'action concrète». Pour Ahmed Youssef, un tel changement de cap «manifestera aussi le respect du pluralisme inhérent à la société et à la culture politiques palestiniennes». Et le conseiller d'Ismaïl Haniyeh de conclure: «L'Occident doit se demander s'il préfère la modération et le réalisme du Hamas ou le dogmatisme des groupes qui adhèrent à l'idée du choc des civilisations». L'importance de ce texte tient à ce qu'il paraît au lendemain de la décision prise par le cabinet restreint de sécurité israélien de décréter la bande de Gaza «entité hostile». Avec, en arrière plan, la menace de l'éventuel arrêt des livraisons d'électricité, de fuel et de différentes marchandises si les tirs de roquettes Kassam contre le Néguev occidental se poursuivaient. Le Hamas de Gaza avait prôné l'arrêt de ces tirs durant le Ramadan mais il a été désavoué sur ce point par le Jihad islamique, sans doute l'un des «groupes qui adhèrent à l'idée du choc des civilisations». La parution de ce texte intervient aussi alors qu'Israël et l'Autorité palestinienne mènent d'intenses négociations en vue de la conclusion d'un accord de principe en préalable à la tenue de la Conférence internationale de paix prévue les 14 et 15 novembre à Washington. Les pragmatiques au sein du Hamas savent que des avancées dans le processus de paix et la participation des pays arabes modérés à la réunion de Washington renforceraient considérablement l'influence de Mahmoud Abbas et du Fatah. Ceux-ci pourraient se prévaloir d'obtenir des succès du fait de leur modération, alors qu'avec sa ligne intransigeante, le Hamas oblige la population civile de Gaza à subir des souffrances inutiles depuis de longs mois. Ces pragmatiques, regroupés autour d'Ahmed Youssef mais surtout Ismaïl Haniyeh, s'opposent aux «durs» conduits par l'ancien ministre palestinien Hamas des Affaires étrangères, Mahmoud al Zahar. Ils estiment qu'une reprise des négociations sur le cas Shalit et l'éventuelle conclusion d'un accord portant sur sa libération pourraient atténuer les conséquences de la proclamation comme « entité hostile » de la Bande de Gaza. Elles pourraient aussi servir de base à des contacts en vue de l'établissement d'une trêve entre le Hamas et Israël, voire à une baisse de la pression avec la Syrie. Or il semble que ce soit une perspective que n'excluent pas les Israéliens, inquiets à l'idée des conséquences d'un possible échec des négociations menées avec Mahmoud Abbas. Un échec qui pourrait amener Abou Mazen à reprendre les discussions en vue de la constitution d'un nouveau gouvernement palestinien d'union nationale entre le Fatah et le Hamas. Un accord tacite intervenu entre le Hamas et Israël couperait l'herbe sous le pied de cette solution ou en diminuerait largement la portée. Al Shark al Awsat révélait dans son édition du 21 septembre que des diplomates norvégiens participaient activement à des discussions indirectes, menées par leur intermédiaire, entre les proches de Ismaïl Haniyeh et des représentants officiels du gouvernement israélien.Loin d'être un pur exercice de style, la « tribune libre » publiée par Ahmed Youssef dans les colonnes de Haaretz, semble contenir un message dont la portée et la stratégie nouvelle n'ont pas échappé à plusieurs de ses lecteurs.