Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a annoncé que son pays est favorable à une participation de l'ONU en Irak. Un tournant dans la politique française vis-à-vis du dossier irakien. Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a souhaité lundi que les différentes communautés irakiennes soient associées à la lutte contre la violence, plaidant également pour une participation accrue des Nations Unies. Arrivé dimanche à Bagdad, M. Kouchner a été reçu par le président Jalal Talabani et a rencontré d'autres responsables irakiens. Il s'agit de la première visite d'un haut responsable gouvernemental français depuis le début de la guerre en 2003. À l'occasion de sa rencontre avec le président irakien, le ministre a reconnu que Paris n'avait «pas été en complet accord avec la politique menée depuis 2003 dans ce pays». Pour autant, «cette page est derrière nous» et il faut maintenant se «tourner vers l'avenir», a poursuivi le chef de la diplomatie française. «Ecouter les Irakiens, leur affirmer que la solution à leur problème doit être irakienne, écouter toutes les communautés, préserver la souveraineté, préserver l'intégrité et la démocratie en Irak, pour la France, c'est essentiel», a souligné Bernard Kouchner lors d'une conférence de presse aux côtés du Kurde Talabani. Ce dernier s'est félicité de cette «visite de reconnaissance». «Nous discuterons avec notre ami de toutes les questions, de la sécurité au renforcement des relations franco-irakiennes», a-t-il précisé, ajoutant que le ministre devrait pouvoir entrer en contact avec «tous les partis et groupes irakiens pour obtenir une vue complète de l'Irak». «Même la Maison-Blanche a décrit cette visite comme historique», a renchéri M. Talabani. Washington avait effectivement salué la venue de M. Kouchner en Irak dès dimanche soir. «C'est un exemple supplémentaire (...) d'un désir international croissant d'aider l'Irak à devenir un pays stable et sûr», a déclaré le porte-parole présidentiel Gordon Johndroe. Les Etats-Unis apprécient les marques de soutien, à l'approche de la présentation au Congrès, le 15 septembre au plus tard, du rapport sur la situation en Irak après l'envoi de 30.000 hommes supplémentaires depuis le début de l'année. L'opinion publique américaine critique de plus en plus l'intervention militaire en Irak et de nombreuses voix s'élèvent pour exiger un calendrier de retrait des troupes. Selon Bernard Kouchner, si les Chiites, Kurdes et Sunnites parvenaient à un accord, ce serait un élément «très important pour le Moyen-Orient, pour la région, pour le reste du monde». Cette solution passera «par une participation de l'ONU», a-t-il souhaité, précisant que Paris allait insister sur cette voie. L'ONU vient de voter un renforcement du rôle de la Mission des Nations Unies en Irak. Selon la résolution présentée par Washington et Londres, il comprend désormais, en accord avec Bagdad, la promotion du dialogue régional sur des questions telles que la sécurité des frontières, l'énergie et les réfugiés. Jugeant «inacceptable» la violence incessante en Irak, Bernard Kouchner a fait part de son espoir que «la démocratie puisse s'installer». «La France est prête, mais il faut entendre les communautés d'abord, à participer à cette lutte contre la violence». «Notre volonté, c'est d'être à côté de ce grand pays indispensable à l'équilibre, à la naissance, à la consolidation de la démocratie dans cette région tellement importante». Le chef de la diplomatie française, qui fut en 1991 un ardent défenseur des Kurdes subissant la répression de Saddam Hussein, a également rencontré lundi le dirigeant du Kurdistan autonome Massoud Barzani. Ce voyage hautement symbolique de M. Kouchner en Irak, auquel il réfléchissait, selon lui, depuis son arrivée au Quai d'Orsay, intervient peu après la rencontre entre le président français Nicolas Sarkozy et son homologue américain George W. Bush, et un resserrement des liens avec Washington qui est interprété comme un changement d'ère. Jacques Chirac avait en effet pris en 2003 la tête des pays refusant l'intervention américaine en Irak, différend ayant engendré un froid durable entre les deux pays. Chantre du «droit d'ingérence humanitaire», Bernard Kouchner fut à l'époque du déclenchement de la guerre l'une des rares voix françaises divergentes, regrettant notamment que Paris se désolidarise de Washington et donnant la priorité au renversement de Saddam Hussein. • Bushra Juhi (AP)