Si l'Elysée n'a laissé transparaître aucune critique sur l'incapacité de Mahmoud Abbas et le Fatah à imposer leur autorité sur Gaza, le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, s'est interrogé sur l'attitude à adopter à l'égard du Hamas. «Un soutien clair», l'expression utilisée par le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas au sortir de sa rencontre avec le président français Nicolas Sarkozy résonnait comme un bruyant coup de fouet sur le perron silencieux de l'Elysée. Sur la fermeté, la clarté et la sincérité de Nicolas Sarkozy, Mahmoud Abbas était d'une remarquable loquacité comme s'il voulait dissiper des malentendus et exorciser des préjugés. Comme s'il était venu à Paris, non seulement pour solliciter l'aide de la France dans le mortel bras de fer qui l'oppose aux rebelles du Hamas, mais aussi pour tester la solide réputation «d'ami d'Israël» qui caractérise l'image du nouveau président français : «Le président Nicolas Sarkozy a affirmé le soutien de la France à l'Autorité palestinienne. Il a été extrêmement clair et franc dans son soutien au peuple palestinien». Cet excès dans le verbiage descriptif de l'approche française trahissait des craintes palestiniennes de voir la France de Nicolas Sarkozy se démarquer de l'héritage chiraquien auquel on attribuait un soutien permanent des droits des Palestiniens à résister à l'hégémonie israélienne. L'inquiétude du chef de l'Autorité palestinienne se nourrissait de cet épais voile d'interrogations qui enveloppait la nouvelle approche française de la région. Mahmoud Abbas se rappelle de la volonté exprimée par le président Sarkozy d'afficher son admiration pour l'administration Bush et d'exhiber son amitié pour Israël. Il se rappelle aussi de la légende colportée par de nombreux médias français selon laquelle Nicolas Sarkozy s'était abstenu, à la dernière minute, de nommer Hubert Védrine au poste de ministre des Affaires étrangères après la protestation téléphonique de l'ancien numéro un du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) l'accusant de sympathies excessives à l'égard des Palestiniens. S'il a effectué sa visite parisienne aréolé du tout nouveau rôle de sauveur miraculeux d'un processus de paix moribond, il a rencontré Nicolas Sarkozy en situation de faiblesse, d'un président dont l'autorité était violemment amputée de la bande de Gaza. Si l'Elysée n'a laissé transparaître aucune critique sur l'incapacité de Mahmoud Abbas et son mouvement le Fatah à imposer leur autorité sur Gaza, le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, s'est interrogé à haute voix sur l'attitude à adopter à l'égard du Hamas : «Il n'empêche que le Hamas avait gagné les élections et qu'il faudra s'interroger un tout petit peu sur ce qu'on peut faire maintenant». A cette interrogation, le président de l'Autorité palestinienne n'a qu'une seule solution : isoler le Hamas et déployer une force internationale sur la bande de Gaza pour tenter d'en reprendre le contrôle et sécuriser l'organisation des prochaines élections. Sa proposition formulée depuis Paris fut accueillie par un langage guerrier. Le Premier ministre Ismaël Haniyeh fut sans concessions : «Une force internationale ne serait pas acceptable à nos yeux (…) Nous vivons sous occupation (israélienne) et nous n'avons pas besoin de forces supplémentaires exerçant de nouvelles pressions sur le peuple palestinien». Tandis que les Brigades « Izz el Dine al Kassam » menacent dans un communiqué : «Nous ne laisserons pas de forces étrangères mettre un pied dans la bande de Gaza et nous les traiterons en forces d'occupation». Nicolas Sarkozy, qui semble prendre à bras le corps la crise libanaise en s'acharnant à organiser à Paris une conférence de réconciliation entre ses factions antagonistes, est en train d'aiguiser ses armes de médiateur au Proche-Orient. Sa rencontre avec Mahmoud Abbas, après le Roi Abdallah d'Arabie Saoudite et le Premier ministre libanais Fouad Saniora, était le prélude au grand jeu diplomatique qu'il compte déployer en recevant mercredi prochain le Roi Jordanien Abdallah II et la ministre israélienne des Affaires étrangères Tzipi Livni. Durant sa longue ascension, Nicolas Sarkozy avait promis de dire ses vérités les plus crues à «l'ami» israélien tout en mettant les Palestiniens devant leurs responsabilités de parvenir à des concessions douloureuses. Avec une seule et grande préoccupation : redonner à la France un rôle actif et dynamique dans une région qu'elle a longtemps désertée… malgré elle.