Le nouveau gouvernement d'urgence palestinien, fort d'un large soutien international, se dit prêt au rétablissement de la sécurité et à la consolidation de l'unité entre la Cisjordanie et la bande de Gaza. Après la conquête de Gaza par le Hamas, Mahmoud Abbas a limogé son Premier ministre Ismaïl Haniyeh et nommé à sa place un indépendant, Salem Fayyed, avec lequel les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël se déclarent prêts à travailler. Il n'est pas sûr que la crise ainsi ouverte au sein de la classe politique palestinienne se traduise, comme le souhaitent certains, par une scission entre Gaza et la Cisjordanie. Elle pourrait paradoxalement accélérer la relance du processus de paix pour éviter un embrasement généralisé de la région. Commencés il y a plus d'un mois, les affrontements meurtriers entre le Hamas et Fatah qui ont dégénéré en une véritable guerre civile se sont soldés par la défaite de ce dernier. Le mouvement intégriste fondé jadis par Cheikh Yassine, qui était opposé, contrairement à ses successeurs, à toute influence étrangère sur le Hamas, a pris le contrôle de l'ensemble de la Bande de Gaza. Celle-ci est devenue un territoire où les partisans de Mahmoud Abbas se terrent ou ils cherchent à fuir vers l'Egypte et vers Israël. Dénonçant une tentative de «coup d'Etat», le président de l'Autorité palestinienne a dissous le gouvernement d'union nationale mis en place depuis mars dernier en «application» des Accords de la Mecque. Il a chargé l'ancien ministre des Finances, l'indépendant Salem Fayyed, de constituer un cabinet de techniciens que l'instauration de l'état d'urgence dispense d'avoir, pendant une période de 30 jours, à solliciter l'investiture du Conseil législatif (Parlement) palestinien où le Hamas dispose, depuis le 25 janvier 2006, de la majorité absolue. Par delà, la coexistence, provisoire, de deux gouvernements revendiquant chacun pour soi la légitimité et le pouvoir, l'épreuve de force engagée entre les principales factions palestiniennes suscite l'inquiétude des pays voisins. De fait, en Israël, certains analystes remarquaient que la situation actuelle confirmait, en apparence, le calcul fait jadis par Ariel Sharon. Celui-ci, comme il l'avait expliqué à la Secrétaire d'Etat américaine Condoleeza Rice , aurait vu dans le retrait unilatéral israélien de Gaza une occasion propice au déclenchement d'une crise interne palestinienne dont l'issue conduirait à l'élimination politico-militaire du Hamas par le Fatah et permettrait à Israël de tirer profit de l'affaiblissement de l'Autorité palestinienne pour imposer une nouvelle version de la «Feuille de route», différente de celle du Fatah. Les spéculations d'Ariel Sharon, que ne désavoue pas son successeur, Ehoud Olmert, ont doublement échoué. En effet, le Hamas a non seulement très largement remporté les législatives palestiniennes du 25 janvier 2006. En réalité, il a, au terme de mois et de mois d'affrontements ponctués de trêves et de cessez-le-feu, défait militairement le Fatah et pris le contrôle de Gaza le 14 juin dernier. Israël se retrouve donc avec, à sa frontière sud, un territoire dont les dirigeants sont sous la coupe de l'Iran chiite tout comme le Hezbollah libanais qui menace sa frontière nord. Une situation d'autant plus inconfortable que Téhéran peut inciter le Hamas à reprendre, sur une très large échelle, les tirs de roquettes Kassam sur Sdérot et le Néguev occidental et, avec l'aide efficace de la Syrie, fournir au mouvement d'Ismaïl Haniyeh les armes ainsi que le financement dont il a besoin. Le «scénario de rêve» imaginé par Ariel Sharon se termine en cauchemar. Cette prudence, qui contraste avec le triomphalisme de leurs troupes sur le terrain, tient au fait qu'ils savent que Mahmoud Abbas, bien que profondément affaibli par la chute de Gaza, dispose d'une carte maîtresse. Les Etats-Unis et l'Union européenne, soucieux de restaurer son autorité et sa crédibilité, ont décidé de mettre un terme aux sanctions économiques et financières édictées en avril 2 006 et d'octroyer une aide conséquente au gouvernement de Salem Fayyed que Israël souhaite par ailleurs ménager et encourager. De la même manière, tant les Etats Unis que l'Union européenne souhaitent rapidement relancer la «Feuille de route» et voir la spectaculaire initiative de paix arabe, adoptée lors du Sommet de Riyad les 28 et 29 mars dernier, déboucher sur des résultats concrets. C'est probablement ce que George W. Bush expliquera à Ehoud Olmert lors de leur prochaine rencontre, la troisième en treize mois, à Washington. Cependant, c'est le discours du chef de l'exécutif américain, le 25 juin prochain, qui indiquera la «nouvelle orientation» de la politique américaine au Proche-Orient, une orientation qui devrait refuser toute scission entre Gaza et la Cisjordanie qui ferait planer la menace d'une solution de «trois Etats pour deux peuples».