La rencontre âarchs (tribus kabyles)-gouvernement entamée samedi a buté sur la question de la dissolution en Kabylie des mairies issues des élections boycottées d'octobre 2002, alors que le FLN a manifesté, hier à Alger, pour dénoncer le gel de ses activités par la justice. La réunion entre onze délégués des âarchs et le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia a été suivie d'une longue audience que leur a accordée le chef de l'Etat algérien et entourée d'une grande discrétion des deux parties; entamée samedi, cette reéunion s'est achevée dimanche à l'aube. Une deuxième rencontre est prévue ce lundi après-midi pour la poursuite des discussions sur ce point litigieux, selon une source proche du gouvernement. Pendant ce temps, des dizaines de manifestants menés par l'ancien premier ministre Ali Benflis et des dizaines de députés du FLN ont manifesté hier à Alger pour dénoncer l'interdiction de leur parti. Les manifestants ont été bloqués par des cordons de policiers anti-émeutes à plus de 300 mètres à la ronde autour du siège du parlement où ils voulaient se rendre. Le centre d'Alger a été interdit à toute circulation automobile et toutes les rues menant à l'assemblée nationale ont été barrées et interdites aux automobilistes et aux piétons. Bloqués, les manifestants ont scandé des slogans hostiles à président qualifié de «dictateur » «Bouteflika traître», «benflis président», «Algérie libre et démocratique», «FLN martyr», ont également crié les manifestants devant des policiers casqués et munis de boucliers. De l'autre côté d'Alger, les délégués des arches négociaient. Les ténors du mouvement âarche, Bélaïd Abrika, délégué de Tizi Ouzou (Grande Kabylie, 110 km à l'est d'Alger) et Ali Gherbi, d'El-Kseur, près de Béjaïa (Petite Kabylie, 260 km à l'est), n'ont pas fait partie de la délégation qui a rencontré les responsables gouvernementaux. La dissolution des conseils municipaux et régionaux constitue un des six points dits "incidences" de la crise en Kabylie, dont la résolution est posée comme préalable par les âarchs à des négociations sur la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur. Parmi ces "incidences" figurent notamment l'arrêt des poursuites judiciaires contre les délégués des âarchs et des manifestants, la dissolution des mairies issues des élections d'octobre 2002, une amnistie fiscale pour les commerçants de Kabylie et le règlement du contentieux avec la société publique de l'électricité et du gaz dont les factures ne sont plus payées en Kabylie depuis le début de la crise en avril 2001. Deux précédentes réunions avec le gouvernement, alors dirigé par Ali Benflis, et des "dialoguistes" des âarchs non mandatés par l'inter-wilaya, surnommés "âarchs Taïwan" (contrefaits), n'avaient abouti à aucun résultat. La prise en charge des "incidences" de la crise, qui secoue la Kabylie depuis les émeutes sanglantes du printemps noir de 2001 qui avait fait une centaine de morts et des milliers de blessés, est la condition posée par les âarchs pour engager le dialogue avec le gouvernement. M. Ouyahia avait invité, le 2 décembre, les âarchs au dialogue pour "la mise en oeuvre de la plate-forme d'El Kseur", texte de référence des revendications kabyles. Ce document, approuvé le 11 juin 2001 à El Kseur, contient les revendications en 15 points "non négociables" des âarchs qui souhaitent la reconnaissance de leur identité berbère, un plan de relance et de réformes économiques pour la Kabylie, région montagneuse et pauvre à l'est d'Alger. Pour revenir au FLN, rappelons que deux tendances se disputent son contrôle dans la perspective des élections présidentielles du printemps prochain à laquelle Benflis est candidat alors que Bouteflika ne se presse pas pour annoncer sa candidature. La crise a éclaté en mars 2003 au-lendemain du 8 ème congrès qui a vu le triomphe des thèses de Benflis qui s'éloignent radicalement de la ligne politique du président Bouteflika, qui a été élu au nom du FLN en avril 1999. Un mouvement de redressement du FLN a vu le jour. Son chef de file, Abdelaziz Belkhadem, a appelé à un congrès «unificateur» qui regrouperait les deux tendances qui se disputent le contrôle du parti. Il a proposé à Benflis d'y assister en tant que militant, alors que ce dernier continue d'accuser Bouteflika de manœuvrer pour l'écarter de la tête du FLN. Il a aussi affirmé que Abdelaziz Belkhadem n'avait aucun droit de s'ériger en « redresseur » du parti, estimant qu'il tente d'«usurper» le poste de secrétaire général du FLN. Il a même menacé de porter plainte contre lui et les «redresseurs».