Y a-t-il un mal à ce qu'il y ait un militaire à la tête d'un service de renseignement ? Dans l'absolu, aucun. Il serait même malsain d'opposer civils et militaires et il n'est pas rare de voir dans nombre de pays démocratiques des officiers présider aux destinées des services sans que cela constitue un vice de forme. Dans son édition du 26 mars 2007, le quotidien Al-Ahdath Al-Maghribia a consacré un dossier aux services de sécurité. De bonne facture, il vient cadrer un débat qui a tendance à partir dans tous les sens. Le dossier est une réflexion sur la régulation du travail des services par leur «civilisation», dans ce sens où il faudrait les soumettre à une hiérarchie civile, et leur subordination au contrôle politique et populaire (gouvernement et Parlement). Il s'agit aussi de les contraindre au respect des exigences de l'Etat de droit et à l'observance d'un minimum de transparence. L'objectif, louable en soi, tend à soustraire les services aux risques de «militarisation», à les prémunir des dérapages, toujours possibles, et à leur éviter une forte identification à un pouvoir personnel constamment susceptible d'en user et abuser. L'ombre du passé (Oufkir, Dlimi, Basri) planant encore, il y a là un principe de précaution qui trouve sa source dans le proverbe «Chat échaudé craint l'eau froide.» Le sujet est complexe et avant de pousser plus loin il est utile de souligner les nuances qu'apporte Al-Ahdhat Al-Maghribia : Fouad Ali-El Himma, ou tout autre de la garde rapprochée du Souverain, n'est pas Driss Basri, et la perspective dans laquelle le Roi inscrit le nouveau concept de l'autorité est à mille lieues de l'ancienne approche dans ce sens où l'actuelle est aspirée par une logique d'accélération du processus de démocratisation. L'autre nuance de taille qu'introduit le dossier est de se limiter à la direction générale de la Sûreté nationale lorsqu'il s'agit de soumettre l'appareil sécuritaire au contrôle «politique et populaire.» Y a-t-il un mal à ce qu'il y ait un militaire à la tête d'un service de renseignement ? Dans l'absolu, aucun. Il serait même malsain d'opposer civils et militaires et il n'est pas rare de voir dans nombre de pays démocratiques des officiers présider aux destinées des services sans que cela constitue un vice de forme. Car qu'est-ce qu'au fond un militaire si ce n'est un civil en uniforme ? Bien sûr, il y a une culture civile et une culture militaire. Mais avant tout il y a une culture de l'Etat qui fédère l'ensemble de ses composantes et s'incarne dans le sommet de la hiérarchie étatique. C'est cette normalité que quête le Maroc. Sans doute, les événements du passé (les deux tentatives de coups d'Etat, la participation de l'armée à la répression des émeutes…) entretiennent la suspicion et, de part et d'autre, des amertumes. Mais tout devrait rentrer dans l'ordre une fois achevé le processus de la mise en place du nouveau concept de l'autorité que les coups de boutoir du terrorisme invitent à la régression. Chacun aura alors définitivement pris la mesure de sa place et de son rôle, l'armée restant dans tous les cas un bras séculier des plus importants dans la défense du pays. L'une des vertus de l'Etat de droit est sa transparence. Encore faudrait-il bien cerner le problème. S'il peut paraître naturel qu'une administration comme la DGSN se soumette, dans des conditions bien définies, au contrôle des institutions élues, pourrait-il en être de même pour la DGST ou la DGED ? Quand on sait que la publication de leur budget est en soi un renseignement de nature à donner une idée sur leurs moyens, si l'on n'oublie pas rien que l'impératif cloisonnement de leurs activités, la vitale protection des sources sans compter ce qui relève du secret d'Etat et du secret défense, on imagine facilement la difficulté de la tâche. La bonne gouvernance et la régulation sont, sans conteste, une nécessité absolue. Mais elles ne peuvent relever que de dispositifs et de mécanismes internes en rapport avec le Chef de l'Etat. Autrement, les services secrets ne seraient plus des services secrets.