Asmae est documentaliste dans un important groupe scolaire casablancais. Pour elle, il y a la passion des livres mais surtout, la conviction qu'étudier, c'est apprendre à chercher. Asmae Chraïbi donne volontiers ses rendez-vous à l'Institut français de Casablanca, qu'elle fréquente très assidûment. C'est là qu'il y a une dizaine d'années, elle s'est formée au métier de documentaliste. Elle y retrouve d'ailleurs parfois ses élèves du groupe scolaire casablancais dont elle gère le centre de documentation et d'information. Des élèves, collégiens ou lycéens, qui sont nombreux à lui dire, lorsqu'ils la trouvent installée à l'accueil du CDI, occupée à lire un livre: «Quelle chance vous avez de faire ce métier ! Vous passez votre temps à lire, à feuilleter les revues et les magazines, à visionner des cassettes et à surfer sur Internet… C'est plutôt tranquille comme travail !» Ce à quoi elle se fait un plaisir de répondre qu'une grande partie de sa tâche consiste à dépouiller toutes les acquisitions du centre, qu'il s'agisse de livres, de revues, de magazines, de films ou d'affiches afin d'en effectuer le classement, sachant qu'un bon classement passe par une connaissance précise de la nature et du contenu de la ressource. Et qu'à ce compte-là, on n'en finit jamais… Du coup, l'idée lui est venue de réaliser un livre d'initiation aux fonctions et aux techniques de la documentation, destiné aux usagers du centre. Asmae parle de ce projet avec la passion tranquille qu'elle met à toutes ses initiatives professionnelles : «Mon ambition est que tous les élèves puissent disposer d'un fascicule rédigé dans des termes accessibles, en arabe de préférence, qui leur donnerait le savoir nécessaire pour effectuer leurs recherches. Il ne sert à rien d'orienter notre système d'enseignement vers plus de place accordée aux travaux de recherche personnels si on ne familiarise pas concrètement les lycéens et surtout les collégiens avec les outils dont ils peuvent disposer…» Depuis neuf ans qu'elle est à ce poste, Asmae a la chance de pratiquer son métier dans un établissement qui valorise effectivement sa fonction : «Non seulement tous les moyens sont mis à ma disposition mais de plus, le centre est unanimement perçu comme un service qui règle les problèmes. «Les élèves, les professeurs, les responsables administratifs, tout le monde s'en remet au CDI. Qu'il s'agisse de constituer une bibliographie ou une revue de presse, de préparer un événement ou de réaliser une animation à l'intérieur du centre, de trouver des partenaires pour réaliser la revue de l'école ou d'encadrer les exposés réalisés par les bacheliers, le CDI est automatiquement sollicité. C'est beaucoup de travail, il faut nécessairement payer de sa personne, mais professionnellement je suis comblée! » Forte de son expérience accumulée, Asmae s'est lancée dans un autre projet destiné, dit-elle, à faire bénéficier les enfants de Berrechid, où elle réside, de son savoir-faire et de son dévouement à «la cause» : démocratiser l'accès au savoir autrement que par le biais d'Internet, qui pose d'ailleurs les mêmes problèmes de méthodologie aux chercheurs en herbe. En juin 2005, elle a fondé à Berrechid une librairie-centre culturel et entrepris de sensibiliser parents, enfants et enseignants à la valeur ajoutée d'une telle structure. «Mon objectif est de remplir les têtes, pas de me remplir les poches…» sourit-elle malgré le peu de succès rencontré. Sa dernière activité en date lui a d'ailleurs laissé un goût amer dans la bouche ; elle avait invité un chanteur français, une sorte de troubadour qui fait le tour du monde en chantant pour les enfants : trois mois de préparation, une campagne de publicité dans toute la ville mais une immense déception le jour de la représentation: huit personnes présentes dans une salle pouvant en contenir 200… «Il paraît que c'est parce que Berrechid n'est qu'une cité-dortoir. Mais là, ça n'est plus le sommeil de l'esprit, c'est la mort lente d'une société qui a perdu le goût du savoir ! Je comprends de mieux en mieux les envies d'émigrer !»