Un énorme scandale secoue l'Allemagne depuis la publication par le tabloïd «Bild» de photos montrant des soldats allemands en Afghanistan en train de profaner des tombes. «Photos chocs» en grand titre accompagné d'une image qui montre un soldat allemand, au visage flouté, posant avec des ossements humains. C'est la Une du quotidien populaire "Bild" qui secoue actuellement l'opinion public allemand. La scène s'est passée dans un endroit non loin de Kaboul, la capitale afghane. Ces clichés, publiés mercredi dernier, ont provoqué un séisme outre-Rhin. L'une de ces images montre un soldat exhibant un crâne à côté de son sexe. Sur les photos, six soldats ont pu être identifiés et deux d'entre eux viennent d'être suspendus par le ministère de la Défense. Deux enquêtes, l'une judiciaire et l'autre militaire, ont été ouvertes sur les suspects. En fin de semaine, le journal "Bild" a enfoncé le clou en publiant de nouvelles photos macabres. Le tabloïd allemand a également publié pour la première fois les témoignages de soldats. Selon un témoin, les faits se seraient déroulés au sud de Kaboul, dans une carrière remplie de gravier, utilisée par les Afghans pour en extraire de la glaise. La population locale «remuait elle-même les ossements» en creusant la terre, raconte le soldat. Le crâne provient «d'une gravière située en dehors de Kaboul» et non d'un cimetière, explique le soldat. «J'aurais préféré ne pas être là», dit-il, témoignant sous couvert de l'anonymat. «On peut se représenter l'endroit comme une grande gravière. C'est là que les Afghans prenaient la glaise qu'ils utilisaient pour faire leurs briques. C'est de là que sortent tous ces os. Ce n'était ni un cimetière, ni un lieu de culte», a-t-il ajouté. «Beaucoup (de soldats) ont un appareil photo numérique et un ordinateur. Pendant les temps libres on s'échange les photos», renchérit un autre militaire. Sous le titre «le pervers puzzle d'ossements», ces mises en scène ne seraient pas des cas isolés, comme l'affirmait jusque-là Berlin. Ces pratiques choquantes ne sont pas limitées à l'Afghanistan, selon Bild am Sonntag, qui publie dimanche une interview d'un psychologue de l'armée, Horst Schuh, mentionnant des faits similaires au Kosovo. «J'ai appris au Kosovo que de jeunes soldats faisaient des photos lors d'exhumations ou d'autopsies, qu'ils se passaient sous le manteau», a déclaré M. Schuh. Le journal régional "Leipziger Volkszeitung" affirme pour sa part que des officiers allemands en Afghanistan étaient informés des agissements de certains soldats. Le quotidien cite un ancien employé d'une organisation d'aide au développement proche du gouvernement. Devant l'ampleur du scandale, le ministre de la Défense a annulé un voyage en Asie. «Il faut qu'en Afghanistan l'on sache que de tels actes ne sont pas tolérés, mais punis sans indulgence», a déclaré pour sa part la chancelière Angela Merkel au journal Focus. Elle a cependant exclu tout retrait des soldats allemands. L'engagement des troupes de l'Otan est de plus en plus critiqué, notamment en Grande-Bretagne (voir encadré), surtout après la montée de violence qui secoue le pays ces derniers mois. GB : «l'engagement en Afghanistan est un peu fou» L'ancien chef d'état-major britannique Lord Charles Guthrie s'en est pris dimanche à la politique étrangère du Premier ministre Tony Blair, en qualifiant d'«un peu fou» l'engagement militaire en Afghanistan. Le général Guthrie, réputé très proche de M. Blair, auprès duquel il a été chef d'état-major de 1997 à 2001, s'est inquiété dans une interview à l'Observer des exigences pesant sur des troupes utilisées à la limite de leur capacité en Afghanistan. «Quiconque pensait que cela allait être un pique-nique en Afghanistan (...) d'y lancer l'armée britannique avec ce nombre (de soldats), alors que nous allons encore en Irak, est un peu fou», a-t-il déclaré. Lord Guthrie a aussi mis en doute la capacité du gouvernement à répondre aux besoins en équipement des troupes en Afghanistan, comme s'y était engagé le Premier ministre.