Baisse du budget, endettement des agriculteurs, pénurie en eau… Comment assurer une sécurité alimentaire dans ces conditions ? Cette question a été au centre du débat organisé, récemment à Rabat, par le ministère de l'Agriculture, du Développement rural et des Pêches maritimes. Les professionnels de l'agriculture se sont réunis récemment à l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II pour débattre du thème: «Investir dans l'agriculture pour la sécurité alimentaire». Le bilan de l'état des lieux est bien loin des perspectives de développement de l'investissement dans le secteur. Pour ces professionnels, il ne faut pas hésiter à tirer la sonnette d'alarme. «En cinq années, l'agriculture a perdu près d'un milliard de dirhams de son budget. Si ce secteur est si important, pourquoi est-ce que le budget qui lui est alloué ne cesse de baisser ?» se demande Hassan Serghini, de la Direction de la programmation des affaires économiques du ministère de l'Agriculture. Selon ce responsable, il n'y a pas de «vision budgétaire à moyen terme» et la majeure partie sert à l'aménagement de l'espace. Ce qui n'ouvre pas de perspectives à l'investissement. Tout aussi handicapant que la baisse du budget, la gestion des abattoirs et des marchés de gros pose un énorme problème. Les lobbyings, nés dans ces lieux précisément, portent atteinte à l'agriculture et à l'agriculteur. Pour M. Serghini, il est urgent que les lois régissant les abattoirs et les marchés de gros soient réformées en vue de limiter la liberté qui leur est offerte. M. Serghini s'est montré convaincu par le fait que le secteur de l'agriculture a beaucoup à y gagner. Logique oblige, pour doper l'investissement, il faut inciter. Cela passe par l'exonération de tous les impôts directs sur le revenu agricole d'ici 2010, mais aussi et avant tout par l'assouplissement des conditions de contraction de crédit pour le fellah. Lahcen El Ameli du Crédit Agricole du Maroc a déclaré, au cours de ce séminaire, que les crédits octroyés à l'agriculture et à l'agro-industrie sont passés de 2,7 à 5 milliards DH, soit un coefficient multiplicateur de 1,83. Le CAM devra donc continuer sur sa lancée en offrant des mesures un peu plus encourageantes aux investissements agricoles. «Bientôt, le CAM limitera le taux d'intérêt pour les crédits à court terme à 5,5 et à 5% pour les crédits à long terme», a annoncé M. El Ameli soulignant que le CAM compte également créer une structure devant assister les agriculteurs dans leur investissement. Cette structure portera le nom de « Dar El Fellah » et devra orienter l'agriculteur aux moyens de régler ses problèmes d'endettement. Une initiative qui se fera en partenariat avec le ministère de l'Agriculture. Cela dit, M. El Ameli a tenu à préciser que «le crédit ne représente que la partie soft de l'agriculture et qu'il faudra d'abord régler la partie hard». Cette «partie hard» concerne le manque de garantie et l'absence de justificatif de propriété du terrain. Finalement, le principe banquier veut que seul le fellah «fiable» soit financé, alors que la majorité ne l'est pas. En plus de l'agriculteur, la terre souffre aussi. En matière d'eau, la situation n'est pas plus optimiste. Abou Bakr Seddik El Gueddari, de l'Administration du génie rural au département de l'Agriculture, parle d'une véritable «tension générée par le manque d'eau». D'après ce responsable, l'agriculture souffre énormément d'une pénurie d'eau en raison de l'alimentation en eau potable qui puise ses ressources des dotations agricoles. C'est le cas, a-t-il expliqué, de Marrakech qui s'alimente actuellement en eau au détriment de dotations agricoles. «Les 15 prochaines années seront très dures, car beaucoup de ressources en eau seront saturées», a estimé M. Gueddari pour qui le Maroc ne doit pas hésiter à procéder au dessalement de l'eau de mer pour répondre au besoin en eau potable. Ce n'est pas une vision pessimiste, mais plutôt scientifique. Les agriculteurs exonérés des majorations des redevances de l'irrigation Le ministère des Finances et de la Privatisation a décidé, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture, du Développement rural et des Pêches maritimes, d'accorder aux agriculteurs redevables aux Offices régionaux de mise en valeur agricole (ORMVA), une exonération des majorations de retard et des frais de recouvrement des redevances d'eau d'irrigation. Un communiqué du département de l'Agriculture relayé par la MAP précise que cette mesure s'inscrit dans le cadre des mesures visant l'amélioration de la rentabilité et la mise à niveau du secteur agricole, et la garantie des conditions nécessaires au bon déroulement de la campagne agricole 2006-2007. Cette exonération bénéficiera aux agriculteurs qui s'acquitteront de la totalité du principal de leurs dettes en matière d'eau d'irrigation avant le 30 juin 2007. Cette mesure profitera à l'ensemble des agriculteurs situés dans les périmètres d'irrigation. Un calendrier de réunions avec les agriculteurs et les institutions agricoles sera établi dans chaque ORMVA pour informer les agriculteurs des dispositions relatives à cette décision.