Plusieurs professionnels de la scène se sont réunis, samedi, au Centre de la Maâmora à Rabat, pour discuter de la politique d'aide au théâtre, huit ans après sa mise en œuvre. Jamais une initiative n'aura autant divisé les professionnels de la scène que la politique d'aide au théâtre. De 1998, qui marque la création du Fonds national d'aide au théâtre, à aujourd'hui, la politique de subvention a toujours été au centre d'une vive polémique. Huit ans après l'instauration de ce Fonds, le fossé qui sépare ses partisans de ses contradicteurs n'a fait que s'élargir. Faut-il supprimer, aujourd'hui, toute aide au théâtre, accusée par certains d'avoir «cautionné la médiocrité» et encouragé la «paresse» ? Ou s'accrocher à cet «acquis» qui a impulsé à la scène une forte dose de productivité et de créativité ? A ce stade du questionnement, peut-on définir les responsabilités dans ce qui se passe sur les planches ? Ces questions, et bien d'autres, interpellent aussi bien le département de tutelle que les professionnels du théâtre. Elles ont été au centre de la journée d'études organisée samedi dans l'après-midi, dans un lieu aussi symbolique et chargé d'histoire que l'est le Centre de la Maâmora, ancienne «fabrique» des talents qui ont fait le bonheur du théâtre national. En ouverture de cette grand-messe qui a réuni les vieux routiers et les jeunes briscards, le ministre Mohamed Achaâri s'est montré «inquiet» pour la santé du théâtre national, en baisse de forme ces dernières années. Les troupes ont été invitées à s'appliquer un «travail de remise en question» qui devrait passer par la reconsidération de leur perception de l'aide à la production et à la promotion théâtrales, qui n'est pas, ni une fin en soi ni une forme d' «assistanat». Autrement dit, l'obligation de moyens - revendication des professionnels eux-mêmes - n'aura aucun sens si ces derniers perdent de vue l'obligation de résultat, qui est, après tout, l'objectif de l'aide théâtrale. En faisant état du «recul» enregistré au niveau de la qualité des spectacles produits ces derniers temps, le ministre Achaâri a proposé de revoir à la baisse le nombre de productions subventionnées par son département. Autrement dit, à quoi sert de subventionner un total de trente pièces de théâtre chaque année si le minimum requis de qualité n'est pas garanti ? A l'approche du Festival national de théâtre, qui se tient au mois de juillet à Meknès, la commission de sélection peine à trouver plus d'une douzaine de spectacles aptes à se mettre dans la course pour le grand sacre. Mais cette exigence de qualité n'est pas entendue de cette oreille. Plus encore, elle est accueillie comme une décision destinée à «tailler dans le budget» consacré à un milieu qui dit avoir fort à faire pour conforter son fonctionnement. Plusieurs professionnels sont montés au créneau pour revendiquer l'augmentation du nombre de troupes bénéficiaires, et une révision plutôt à la hausse de l'enveloppe budgétaire allouée aux troupes de théâtre qui est de l'ordre de 3 millions de dirhams. Au-delà de cette revendication sonnante et trébuchante, les professionnels ont réclamé au ministère de tutelle d'activer son projet de partenariat avec les télévisions publiques en vue d'assurer une couverture médiatique régulière à la production théâtrale nationale. Pour nombre d'entre eux, une action parallèle doit être menée auprès des communes locales appelées à s'impliquer davantage dans la promotion théâtrale. En faisant valoir l'importance de la culture, et du théâtre en particulier, dans la lutte contre les idées obscurantistes, un intervenant a invité les autorités locales à «tirer les enseignements des attentats terroristes du 16 mai». «Le théâtre, un besoin culturel et social, est une œuvre de salubrité publique», a-t-il renchéri. Besoin vital à la société, le théâtre est aussi appelé à se mettre à niveau.