Refusant de verser 70 dirhams à Abdelmalek, ce dernier n'a pas hésité à tuer Omar par trois coups de couteau. Dimanche 16 avril à Casablanca. Le téléphone sonne dans le district de police de Sidi Bernoussi-Zenata. Rapidement, le policier préposé au standard décroche l'appareil téléphonique. « Ici la police de Sidi Bernoussi-Zenata, qui est à l'appareil ? », demande le standardiste. À l'autre bout du fil, un bon citoyen qui croit qu'il est de son devoir de les informer de la découverte du cadavre d'un homme, quadragénaire, gisant dans une mare de sang juste à l'entrée de sa baraque située au bloc n° 6, à Douar Sekouella. À ce moment, la police de ce même district était au siège de la Cour d'appel de Casablanca, en train de traduire devant le parquet général Fattouma, une jeune femme qui avait tué son amant près du cimetière islamique de Sidi Moumen pour l'avoir abandonnée (Cf notre édition n° 1138 du mercredi 19 avril). Quelques éléments de la brigade se sont dépêchés sur les lieux sans perdre la moindre seconde. Et ils y sont arrivés à temps. Les badauds s'attroupaient en effet déjà autour du cadavre. Les policiers ne sont certes pas arrivés à les disperser, mais ils ont néanmoins réussi à les éloigner du cadavre pour entamer leur constat d'usage. Ils ont alors commencé à récolter les informations de chez les voisins qui auraient peut-être assisté à une rixe entre la victime et son tueur ou qui pourraient au moins leur révéler quelques indices leur permettant de tracer une première piste de l'enquête. Les enquêteurs ont remarqué que la victime a été poignardée à trois reprises, au niveau de son cou, de son dos et de sa poitrine. La victime a par ailleurs rendu l'âme juste à l' entrée de sa baraque dont la porte était ouverte. Mais rien ne fut dérobé à l'intérieur de la baraque et personne n'a assisté à son assassinat. La victime a-t-elle été poignardée à l'entrée même de sa baraque ou plus loin ? Les vêtements que la victime portait ont prouvé aux enquêteurs qu'elle était chez elle. Déjà, ses voisins leur ont affirmé que l'homme rentre généralement tôt chez lui, juste après la sortie de son travail dans les chantiers de construction. La victime était en effet maçon de son état. Les mêmes voisins ont attesté qu'il jouissait d'une bonne réputation. Bien qu'il ne passe aucune nuit sans prendre sa dose quotidienne de vin rouge, il ne provoquait jamais de tapage nocturne. Il respectait ses voisins et les appréciait. Malgré sa vie solitaire depuis qu'il a répudié sa femme, il n'a jamais été vu accompagnant chez lui une fille de joie ou une femme quelconque. Ceux qui le fréquentaient souvent sont des amis qui prenaient de temps en temps un verre avec lui. Les voisins ont précisé avoir entendu, la nuit du samedi 15 avril, quelqu'un qui lui demandait, à haute voix, de lui rendre son argent. Selon les voisins, la personne en question serait l'un des amis de la victime qui le fréquentait souvent et qui a disparu dernièrement. Il s'agit d'un certain Abdelmalek qui demeure au même douar. Est-il le coupable ? C'est probable. Les enquêteurs qui ont déjà alerté l'hôpital médico-légal pour évacuer le cadavre afin de le soumettre à l'autopsie n'ont pas perdu de temps pour se rendre, sur indication des voisins, chez Abdelmalek. Les enquêteurs ont longtemps frappé à la porte de sa baraque avant qu'il ne leur ouvre la porte. Il semble qu'il était plongé dans un profond sommeil. « C'est toi Abdelmalek ? », lui a demandé le chef de la brigade qui n'a pas tardé à lui passer les menottes. Ils l'ont conduit au commissariat de police pour l'interroger. Sans résister, Abdelmalek est tout de suite passé aux aveux. De sang-froid, il a lâché : « Oui, je suis l'assassin d'Omar ». Il semble n'avoir rien regretté. « Nous entretenons une relation amicale depuis trois ans », a-t-il affirmé. Une durée qui a mal fini. Abdelmalek, plâtrier de vingt-trois ans, a avoué que tout a commencé il y a trois mois, quand ils ont effectué un « petit bricole » chez un client. Omar aurait empoché tout l'argent versé par le client, dont les 230 dirhams qu'il devait verser à Abdelmalek. Il ne lui a pourtant donné que 160 dirhams. Des semaines sont passées sans qu'Omar ne verse le moindre sous du reste de la somme à Abdelmalek. Ce dernier s'est rendu, la nuit du crime, chez la victime pour réclamer son argent. Mais Omar lui a demandé de partir parce qu'il n'a rien à lui donner. L'affaire va dégénérer, ce dernier est rentré chez lui pour revenir avec un objet en fer à la main, par lequel il a donné un coup à la tête d'Abdelmalek. Armé d'un couteau, ce dernier n'a pas hésité de le sortir pour lui donner un premier coup au niveau du cou, puis un deuxième au dos avant d'achever son hystérie avec un troisième coup au niveau de la poitrine. Calmement, Abdelmalek est alors retourné chez lui pour dissimuler le couteau et se plonger dans un profond sommeil comme si rien ne s'était passé. Mardi 18 avril, il a été traduit devant le parquet général près la Cour d'appel de Casablanca. Il semble n'avoir pas regretté avoir tué son ami pour 70 dirhams.