À l'occasion de la Conférence des ministres du Commerce de la zone Euromed, qui débutera demain à Marrakech, Mustapha Mechahouri, ministre du Commerce extérieur revient sur les enjeux de cette rencontre. Entretien. ALM : Quelques mois après le dixième anniversaire du processus de Barcelone, les ministres du Commerce des pays de l'Euromed se réunissent à Marrakech. Quel est l'ordre du jour ? Mustapha Mechahouri : Il s'agit de la 5ème Conférence ministérielle depuis 2001, après celles tenues à Bruxelles, Tolède, Palerme et Istanbul. Six dossiers importants seront débattus par les ministres ou leurs représentants des 25 pays européens et 12 pays de la rive sud de la Méditerranée. Les débats porteront sur l'intégration régionale dans le cadre du processus de Barcelone par l'établissement d'une zone de libre-échange Euromed d'ici 2010. La rencontre à Marrakech verra aussi le lancement des négociations sur la libéralisation du commerce des services et du droit d'établissement. Le 5ème dossier porte sur la définition des prochaines étapes du processus de libéralisation commerciale pour les produits agricoles, produits agricoles transformés et produits de la pêche. Les ministres en charge du Commerce examineront également les orientations futures pour la convergence réglementaire pour la législation des produits industriels. Le 3ème point à l'ordre du jour concerne le renforcement des procédures sur le règlement des différends commerciaux dans le cadre des accords d'association. Enfin, la Conférence de Marrakech sera l'occasion pour un échange de vues sur les derniers développements du cycle de Doha. Où en sommes-nous avec les négociations sur la libéralisation des produits agricoles ? Il faut rappeler que cette libéralisation progressive a été prévue par l'accord d'association entre l'Union européenne et le Maroc signé en 1996. Les négociations ont été effectivement lancées en 2002 et ont donné lieu en 2003 à l'option d'un nouveau protocole sur les produits agricoles. Cet accord, qui traite du commerce dans les deux sens, Maroc-UE et UE-Maroc a été par la suite adapté après l'élargissement de cette union aux dix pays de l'Est en mai 2004. Les négociations ont été reprises au mois de février dernier pour arrêter les nouvelles étapes pour la période 2007-2012. Dans ce cadre, l'Union européenne a présenté au Maroc un document contenant son offre et sa demande pour la libéralisation des produits agricoles, des produits agricoles transformés et des produits de la pêche. Ces propositions sont actuellement en cours d'examen par les ministères concernés. La mise en place de certaines niches de protection (cas des céramiques) au profit de lobbies ou secteurs ne vient-elle pas contredire cette politique d'ouverture ? Pas du tout, les règles de l'Organisation mondiale du commerce prévoient la possibilité de faire application des mesures de sauvegarde quand la production nationale subit un préjudice par des importations massives. Dans le cas des céramiques que vous avez cité, après une requête du secteur, une enquête effectuée par le ministre du Commerce extérieur et qui a duré neuf mois, plusieurs réunions avec nos partenaires et, notamment, l'Union européenne, nous avons démontré, chiffres à l'appui, que les importations étaient massives, que notre production nationale en souffre sur les plans quantitatifs, qualitatifs et du coût d'importation. Les mesures prises sont légales et conformes, comme je l'ai dit, aux règles de l'OMC. D'ailleurs, l'Union européenne a tenté d'en faire de même, à la même période, pour des exportations marocaines des fraises congelées. Qu'en est-il du rapprochement du Maroc avec les pays du sud de la Méditerranée ? En dehors du processus de Barcelone, le Maroc a conclu des accords de libre-échange avec certains pays comme la Tunisie, l'Egypte, la Jordanie, les Emirats Arabes Unis. Dans le cadre du processus Euromed, la déclaration d'Agadir a été concrétisée par l'accord quadrilatère entre le Maroc, la Tunisie, l'Egypte et la Jordanie qui entrera en vigueur incessamment après sa notification du côté marocain. Dans la même lignée, le Maroc a signé un autre accord de libre-échange avec la Turquie. Cet accord est entré en vigueur en janvier 2006. Concrètement, avec l'accord d'Agadir, comment comptez-vous procéder pour protéger les productions marocaines en cas de violation des règles d'origine ? En fait, le plus qu'apportent l'Accord d'Agadir et le processus Euromed, c'est l'application des règles d'origine pan-euroméditerranéennes et le cumul diagonal de ces règles entre tous les pays européens d'une part, sud méditerranéens et la Turquie d'autre part, qui ont conclu des accords de libre-échange bilatéraux ou régionaux. L'accord d'Agadir est un accord de libre-échange au sens large du terme puisqu'il englobe tous les secteurs industriels et agricoles. En cas d'importation massive des produits de ces secteurs et qui porteraient préjudice aux productions nationales, il est prévu de faire appel aux mesures de sauvegarde telles que prévues et définies par les règles de l'Organisation mondiale du commerce.