Les journalistes marocains ont rencontré leurs confrères français à l'occasion du premier rendez-vous du "Club de Tanger". Liberté et responsabilité étaient au centre des débats. Une pléiade de journalistes français et marocains réunis samedi à Tanger, dans le cadre de la première rencontre du Club de Tanger, se sont accordés à admettre que les professionnels des médias doivent faire preuve d'un sens aigu de la responsabilité pour parvenir à une meilleure pratique de la liberté d'expression. La liberté d'expression dans la presse doit engager une responsabilité qui se réfère à l'éthique et à la déontologie sans développer pour autant une tendance vers l'autocensure obsessionnelle qui est préjudiciable à la libre-pensée qui est l'essence même du métier, ont souligné plusieurs intervenants à cette rencontre. Tout en convenant de la remarquable avancée dans le domaine de la liberté de la presse au Maroc, les débats engagés ont manifesté des points de vue nuancés concernant la délicate question de la pratique de cette liberté. Mohamed Brini, directeur de publication d'Al-Ahdath Al-Maghribiya, qui a été le modérateur d'un panel intitulé : ''Quels nouveaux espaces de la liberté pour la presse depuis 50 ans ?'', relève d'emblée que la pratique journalistique au Maroc a connu une évidente avancée en matière de liberté d'expression, compte tenu de la chape de censure qui pesait sur le métier dans un passé récent. ''Une époque où régnait la censure préalable et l'arbitraire des saisies et des interdictions qui se passaient de la formalité de la justice'', a-t-il dit. Tout en reconnaissant les dérives d'un usage permissif de la liberté d'expression, il tient à relever le ferme attachement des professionnels de la plume à cette liberté douloureusement acquise. Et de lancer le débat sur la question : ''Quelle liberté nous réclamons ?'' Pour Alain Barluet (le Figaro), la pratique du métier ne peut se passer de cette liberté, mais certaines exigences professionnelles doivent prévaloir. Des exigences comme le respect de la déontologie et l'éthique journalistique que Jamal Eddine Naji (Institut supérieur de l'information et de la communication) qualifie de ''loi non écrite du métier''. José Garçon (Libération) appréhende la question de sa propre expérience de journaliste amenée à travailler régulièrement sur le Maroc. Il y a beaucoup plus de liberté que par le passé, plusieurs tabous ont sauté et les contacts avec les gens sont plus faciles, a-t-elle dit. Sa collègue Mireille Duteil (le Point) évoque l'expérience française et affirme que la rationalisation de la pratique de la liberté d'expression implique une certaine autorégulation à laquelle adhèrent les journalistes de l'Hexagone. Une autorégulation qui devrait naître de la réflexion entre les professionnels pour parvenir à une entente quant à la façon de concilier responsabilité et liberté. Le débat du panel intitulé ''Comment résumer 50 ans de relations maroco-françaises'' a été axé sur l'image du Maroc dans la presse française et les tensions qui résultent des malentendus ou même des stéréotypes à la peau dure. Jean Daniel (le Nouvel Observateur) plonge dans le passé et évoque ses souvenirs de jeune journaliste qui avait vécu les tiraillements de la presse française concernant la question de la décolonisation dans les années cinquante. Face au dépit rageur des défenseurs de l'empire français mis à mal par les mouvements d'indépendance, il évoque l'émergence de voix intelligentes dans la presse française pour décrier l'injustice et appeler à la raison, comme ce fut le cas lors de l'exil de Feu SM Mohammed V en 1953.