Alerte de la Banque mondiale Dans son rapport sur le climat et le développement, la Banque mondiale tire la sonnette d'alarme sur la pénurie d'eau au Maroc. L'institution financière internationale souligne dans son rapport que le Maroc est l'un des pays les plus pauvres en eau au monde et se rapproche rapidement du seuil de pénurie absolue en eau fixé à 500 m3 par personne et par an. Ce seuil pourrait être atteint avant même la fin de la décennie. Entre 1960 et 2020, la disponibilité par habitant des ressources en eau renouvelables est passée de 2.560 m3 à environ 620 m3 par personne et par an, plaçant le Maroc en situation de stress hydrique structurel (moins de 1.000 m3). La Banque mondiale estime que la pression sur les eaux souterraines a considérablement augmenté, jusqu'à atteindre un niveau de surexploitation estimé à près de 30%, surtout pendant les années sèches. L'institution financière internationale fait remarquer que le Maroc a répondu au défi de la pénurie d'eau et de la sécheresse en déployant de grandes infrastructures. Cela dit, le changement climatique peut réduire l'efficacité de ces ouvrages. Outre la construction de 149 barrages, le Maroc a créé 15 interconnexions entre bassins hydrographiques, sur environ 785 kilomètres (km), pour répondre aux besoins en eau des municipalités et de l'irrigation. En dépit de ces investissements massifs, «l'écart entre l'offre et la demande en eau est actuellement estimé à 1,8 milliard de m3/an à l'échelon national avec des déficits structurels enregistrés dans les bassins du Souss-Massa, du Tensift, de la Moulouya et de l'Oum Er Rbia», note le rapport. La variabilité et le déclin des précipitations ont compromis l'efficacité de l'approche axée sur les infrastructures, le volume d'eau réel dans les réservoirs ayant une tendance baissière sur la dernière décennie. Le niveau des réserves des barrages continue de s'aggraver Le niveau des réserves des barrages, jusqu'au 7 novembre 2022, s'élève à environ 3, 97 milliards de m3 (3972,5 Mm3), soit un taux de remplissage de 24,6% contre 35,4% enregistré au cours de la même période de l'année dernière. Le deuxième plus grand barrage du Royaume, à savoir le barrage Al Massira, affiche un taux de remplissage de seulement 4,3% à la date du 7 novembre contre 8,7% à la même date en 2021. Sa réserve a nettement baissé en passant de 231 Mm3 à 114,2Mm3. Le barrage Sidi Mohamed ben Abdellah a également connu une diminution de ses réserves qui sont passées en l'espace d'une année de 470,9 Mm3 à 257,7 Mm3. Son taux de remplissage est passé de 48,3 à 26,4%. La situation d'autres barrages s'est détériorée. C'est notamment le cas du barrage d'Al Wahda, plus grand barrage du Maroc dont les réserves sont passées de 2110,3 Mm3 à 1451,5 Mm3. Le taux de remplissage de ce barrage est de 41,2% à la date du 7 novembre contre 59,9% à la même date en 2021. Quant au 3ème plus grand barrage, à savoir Bin El Ouidane, ses réserves sont passées de 191,2 Mm3 à 99,2 Mm3. Son taux de remplissage est passé de 15,7 à 8,2%. L'investissement dans les infrastructures, une condition nécessaire mais pas suffisante Dans une perspective à plus long terme, la Banque mondiale relève que la réduction de la disponibilité en eau et la baisse des rendements agricoles due au changement climatique pourraient réduire le PIB à hauteur de 6,5%. Celle-ci estime que l'investissement dans les infrastructures est une condition nécessaire mais qui n'est pas suffisante pour relever le défi de la pénurie d'eau. Et par conséquent, un changement de paradigme est nécessaire. Le Maroc a présenté un ambitieux plan d'investissement dans l'eau pour la période 2020-2050 (Plan national de l'eau ou PNE), qui vise à combler l'écart entre l'offre et la demande. Le présent rapport souligne que, compte tenu de la grande vulnérabilité du Royaume aux sécheresses et à la pénurie d'eau, l'investissement dans les infrastructures hydrauliques apporte des bienfaits économiques et doit rester une priorité. Mais, sur la base de l'expérience internationale et de nombreuses études, ces bienfaits ne se manifesteront pleinement que si le développement des infrastructures est associé à des interventions «soft», telles que la gestion de la demande en eau, la gouvernance de l'eau et des actions visant à modifier les comportements.