Selon des chiffres publiés par Human Rights Watch, 11% de filles âgées de moins de 15 ans travaillent au Maroc. La militante associative Saadia Sarghini s'exprime sur le sujet et celui de la petite Lamia exploitée par sa famille aux Etats-Unis. ALM : Une fille nommée Lamia a été enfermée et exploitée en tant que bonne par son oncle aux Etats-Unis. Quelle est votre réaction sur cette affaire ? Saadia Sarghini : Je ne suis pas au courant de cette affaire, mais rien qu'à y penser, c'est un problème épineux. C'est une situation à laquelle sont réduites plusieurs de nos filles, de nos concitoyennes au Maroc. Ce qui est malheureux c'est que plusieurs familles sont responsables de la maltraitance de leurs propres enfants. C'est difficile à admettre vu que les parents et la famille proche sont censés apporter de l'affection et être communicatifs. Quand le coup provient de la famille, c'est encore plus difficile à accepter que si cela émane d'une personne étrangère. D'ailleurs, la victime a du mal à se rétablir lorsqu'elle subit des violences qui peuvent aller jusqu'à des agressions sexuelles de la part des membres de sa famille. Selon vous qu'est-ce qui pousse les familles à agir ainsi avec leurs enfants ? Je pense qu'en général, les parents sont dogmatiques. Ils sont intolérants avec leurs enfants. Ils ne les écoutent pas, ils ne font que lancer des ordres, sans prendre la peine de leur donner la parole. Résultat, lorsqu'il n'y a pas communication, il y a violence. Les enfants ne doivent pas êtres maltraités, ce sont des êtres humains et non pas des objets avec lesquels on peut se comporter n'importe comment. Qu'est-ce qu'il faudrait faire, selon vous, pour lutter contre ce phénomène de plus en plus croissant du travail des petites filles ? Il faudrait que la société civile continue à dénoncer ce fléau. Il faudrait qu'il y ait une conscience collective qui soit sensibilisée à ce drame. L'Etat doit agir et cesser de mettre en place des lois sans qu'elles soient appliquées. En parlant de législation, le travail des enfants est interdit au Maroc. Mais pourquoi, selon vous, y a-t-il ce hiatus entre l'adoption de la loi et son application ? En effet, le travail des enfants est interdit mais on remarque qu'il existe toujours de jeunes enfants parfois âgés d'à peine 10 ans et qui travaillent quatorze heures par jour alors qu'ils sont censés être à l'école. C'est inadmissible. Face à cette situation scandaleuse, l'Etat ne fait rien. Cela est du tout simplement au fait que l'Etat ne se sent pas concerné. Il y a des membres dû gouvernement qui font travailler des petites filles chez eux. C'est honteux. C'est pour cette raison qu'ils n'osent pas s'exprimer là-dessus et prendre les décisions qu'il faut. En outre, la société civile ne peut pas agir seule. L'Etat doit écouter la société civile et la prendre au sérieux. Il faudrait que le gouvernement puisse être conscient de ce phénomène scandaleux. Pour que les associations aient plus de crédibilité, il faut qu'elles puissent agir en concertation avec l'Etat. Pour l'application de la loi et pour le bien du pays.