Catalyser le financement des engrais pour une croissance durable. Telle a été l'orientation primaire du 3ème Forum du financement des fertilisants en Afrique. Organisée sous l'initiative de la Banque africaine de développement (BAD), OCP Africa et le Mécanisme africain de financement du développement des engrais, cette manifestation se déroule dans une conjoncture marquée par d'importantes perturbations en termes d'approvisionnement en engrais du fait de la guerre en Ukraine. Une situation qui est venue confirmer plus que jamais l'urgence de développer en Afrique une agriculture résiliente et durable. «Les pays dépendent fortement des importations en matière de denrées alimentaires. Le constat est là. Nous sommes en train de frôler une situation très difficile. Nous parlons d'une crise alimentaire en Afrique. Il est temps d'agir», peut-on relever de Achraf Tarsim, chef du bureau de la BAD au Maroc, lors de son intervention à la séance inaugurale du forum qui se poursuit jusqu'au 13 octobre à Casablanca. Les chiffres avancés sont alarmants. 75 milliards de dollars de denrées alimentaires sont importées annuellement par le continent, soit le double du volume acheminé il y a quelques années. «Cette situation ne doit pas perdurer, l'Afrique doit devenir la zone de production agricole. La nourriture du monde entier dans les 30 à 40 années dépendra vraiment de ce que nous sommes en train de faire de notre agriculture en Afrique». Ce forum qui réunit plus de 200 décideurs et professionnels a pour finalité d'adresser collectivement le financement de la chaîne de valeur des engrais. Un enjeu prioritaire pour assurer la sécurité alimentaire du continent. La séance inaugurale a été une occasion pour partager les expériences des différents pays du continent à l'instar du Malawi, la Côte d'Ivoire, le Togo et l'Angola. L'ensemble des ministres intervenants a été unanime sur la facilitation d'accès aux engrais à moindre coût. Ils ont par ailleurs mis l'accent sur une coopération Sud-Sud efficiente et active à ce niveau. Un plaidoyer partagé par le Groupe OCP, acteur engagé pour un secteur d'engrais résilient et une agriculture créatrice de valeur à l'échelle africaine. «Nous sommes conscients des grands défis du secteur des engrais et sommes convaincus que seule une action collective peut les adresser de manière efficiente et durable», assure à cet effet Mohamed Anouar Jamali, directeur général de OCP Africa. Et de préciser que «pour cette raison une deuxième phase de notre plan d'envergure est lancée cette semaine avec le support, cette fois-ci, d'institutions régionales et internationales pour impacter plus de 40 millions de fermiers dans une quarantaine de pays dans le continent». Les grandes lignes de ce dispositif ont été en effet, dévoilées mardi par Mostafa Terrab, président-directeur général du Groupe OCP, lors des assemblées annuelles de la Banque mondiale à Washington (voir encadré). Il est à noter que la Banque africaine de développement ne cesse d'innover pour garantir la sécurité alimentaire sur le plan continental. Plusieurs initiatives ont été lancées à l'instar du Mécanisme africain de financement de développement des engrais (AFFM). Ce mécanisme utilise une approche intégrée pour proposer des solutions qui impactent l'ensemble de la chaîne de valeur agricole. Avec l'investissement en capital, le Mécanisme mobilise les investissements par le biais de financements hybrides et de cofinancements. Il facilite également les partenariats et les liens entre les acteurs pour maximiser les opportunités et proposer des solutions durables qui pourraient radicalement changer l'agriculture en Afrique. Le Mécanisme amorce actuellement une nouvelle phase de déploiement. Il s'engage dans la mise en œuvre d'une stratégie de sept ans (2022-2028) pour faciliter l'accès à des intrants de qualité et accroître la productivité agricole sur le continent. Cette vision est structurée autour de trois piliers stratégiques, à savoir le renforcement du secteur des engrais par l'accès au financement, le soutien du développement de réformes politiques viables pour améliorer la production, la distribution et l'utilisation des engrais ainsi que la facilitation de l'accès des petits exploitants agricoles aux intrants et à l'assistance technique. L'AFFM cible les petites et moyennes entreprises. Ce mécanisme facilitera l'accès de 16 millions de fermiers dans 15 pays africains à au moins 2 millions de tonnes d'engrais. A l'horizon de 2028, les agriculteurs ciblés devraient être en mesure d'appliquer au moins 50 kg/h d'engrais ainsi que des semences appropriées pour augmenter leur rendement d'au moins 35 %. Concernant le Maroc, la BAD procèdera prochainement à la signature du financement de 200 millions d'euros approuvé récemment par le conseil d'administration de la banque pour financer le programme d'appui au développement compétitif et résilient de la céréaliculture au Maroc. L'idée étant d'augmenter la productivité du secteur céréalier et de réduire sa vulnérabilité aux facteurs exogènes, notamment la dépendance du marché extérieur.