Casablanca a abrité, dimanche 6 novembre 2005, une marche nationale pour demander la libération de Abderrahim Boualem et Abdelkrim El Mouhafidi. Les deux Marocains, enlevés par Al Qaïda, sont menacés d'exécution. Plusieurs centaines de milliers de Marocains se sont attroupés devant le siège de la wilaya de Casablanca, hier dimanche 6 novembre 2005, pour une marche nationale de solidarité avec Abdelkrim El Mohafidi et Abderrahim Boualem, les deux Marocains enlevés en Irak depuis le 20 octobre dernier. Très tôt le matin, et à la veille de la reprise des cours et du travail après les vacances de la fête, des dizaines de milliers de citoyens ont commencé à affluer vers la Place Mohammed V d'où devait prendre départ cette marche nationale organisée à l'initiative des partis politiques, des syndicats et des associations de la société civile et coordonnée par un comité d'organisation regroupant toutes ces sensibilités. Vers neuf heures, Saâd Eddine Othmani était déjà sur les lieux comme le wali Mohamed Kabbaj qui semblait ne pas avoir fermé l'oeil de la nuit. Des portraits géants des deux Marocains, accrochés aux murs de la wilaya de Casablanca, étaient visibles de loin et semblaient servir de repère pour les manifestants qui commençaient à arriver des quatre coins de la métropole, mais aussi de toutes les villes du Royaume. Plusieurs partis, mais aussi syndicats et ONGs, ont réussi à réunir le maximum de leurs membres pour une marche où devaient s'éclipser divergences et guerres de clans pour céder la place à une revendication nationale. Ce dimanche-là, 30ème anniversaire de la Marche verte, la vie des deux employés de l'ambassade du Maroc à Bagdad comptait plus qu'autre chose. C'est ce que reflétaient d'ailleurs les slogans choisis par le comité d'organisation disant «Oui » à la liberté et « Non » au terrorisme et à la barbarie. C'est au nom de cet Islam, religion d'amour, que les centaines de milliers de manifestants ont demandé à préserver la vie de Abderrahim Boualem et Abdelkrim El Mohafidi. Après lecture d'un appel dans ce sens, lu par un membre du comité d'organisation, suivi d'une minute de silence en solidarité avec les deux otages Marocains, la marche a finalement pu se mettre en branle pour déborder sur les autres quartiers de Casablanca selon l'itinéraire retenu initialement. A la tête des manifestants, on trouvait plusieurs responsables gouvernementaux, de partis, de syndicats et de la société civile. Les familles des deux otages étaient représentées par plusieurs membres entourés d'un grand intérêt médiatique. Le drapeau national était de cette marche aux côtés des portraits de Boualem et El Mohafidi. Les manifestants se sont dispersés dans le calme après une marche qui constitue une première depuis la marche de protestation organisée après les attentats du 16 mai 2003, mais aussi depuis les innombrables marches de soutien à l'Irak depuis la première guerre du Golfe. Abdelkrim El Mohafidi et Abderrahim Boualem, deux agents d'exécution embauchés depuis à peine quelques années par l'ambassade du Maroc à Bagdad, ont été enlevés sur la route reliant la capitale irakienne et Amman où ils avaient été, ce 20 octobre 2005, percevoir leurs salaires à bord d'un véhicule de la chancellerie marocaine. Les craintes du Maroc allaient s'avérer fondées quand, via un site Internet, la branche d'Al Qaïda en Irak a annoncé l'enlèvement des deux Marocains. Mardi 29 octobre, un message parvenu à la rédaction d'ALM confirmait le rapt, photocopies des passeports et des cartes d'identité des deux otages à l'appui. Le même message informait que les deux ressortissants marocains avaient été traduits devant la commission juridique d'Al Qaïda en Irak. Vendredi 4 novembre 2005, jour de fête au Maroc, ladite commission juridique (Hay'a Chariy'ah) annonçait son verdict. Sans appel en menaçant d'exécuter les deux otages qui sont, selon la littérature de la nébuleuse de Ben Laden, « agents du gouvernement marocain impie ». Peu de temps après, l'annonce de ce verdict était suivie d'un appel mettant en garde tous les pays arabes ayant décidé ou qui décideraient d'ouvrir des ambassades en Irak. Consternation au Maroc. Hommes politiques, acteurs associatifs comme homme de la rue, tous les Marocains n'ont pas caché leur indignation face au sort promis à deux innocents pères de familles par un groupe se proclamant de l'Islam dont les textes sacrés n'appellent guère à l'assassinat et à l'effusion de sang. Les Ouléma du Maroc, parmi d'autres réactions, ont considéré que si ce groupe passe à l'acte, il aura pour adversaire la Nation marocaine en entier. Toutefois, la meilleure réaction au méfait que s'apprête à perpétrer Al Qaïda est la marche d'hier où le Maroc a exprimé son refus de voir l'Islam, religion de tolérance et de paix, servir de base pour attenter à la vie de deux de ses fils. Abderrahim Boualem, 55 ans au 18 juillet dernier, est installé en Irak depuis 1979. Marié à une ressortissante irakienne et père de trois enfants, il fait partie des effectifs de l'ambassade marocaine depuis 2002 en tant que chauffeur. Quant à Abdelkarim El Mouhafidi, ce dernier est arrivé en Irak en 1982. Marié également à une Irakienne, il a été engagé, en qualité d'agent d'exécution à l'ambassade marocaine, en 1993. Le Maroc a marché pour qu'ils puissent retourner parmi les leurs. Pour que l'irréparable ne puisse pas avoir lieu.