Les contours du chantier finalisés, le projet de décret en cours, l'Observatoire bientôt lancé «Il nous appartient à tous, acheteurs publics, entreprises et organes de contrôle, de faire de la réforme de la commande publique un point d'ancrage…». La réforme de la commande publique est finalisée. A l'heure où nous mettions sous presse, les grandes lignes de ce projet devraient être présentées ce jeudi à l'Exécutif. L'annonce a été faite la veille par Noureddine Bensouda, trésorier général du Royaume, lors de sa participation à une conférence organisée par la CGEM dans le cadre des « Rencontres du Livre Blanc ». Cette rencontre portant sur la commande publique en tant que levier pour un développement productif a été une occasion pour s'arrêter sur l'avancement sur la refonte de ce secteur, notamment la révision du décret sur les marchés publics. Le travail est ainsi enclenché. Le nouveau texte promet plus d'équité en termes d'accès à ce marché, notamment pour les petites et moyennes entreprises et prendra en charge des enjeux de taille tels que la question de la caution ou encore celle de l'annulation de l'appel d'offres. L'idée étant de bannir toute discrimination ou pratiques non conformes à la réglementation. «Les chiffres montrent que la PME n'est pas bien servie au niveau de la commande publique. C'est pour cela que nous avons mené une réforme en concertation avec l'ensemble des parties prenantes. Elle est finalisée et on va la soumettre demain au chef du gouvernement», réitère M. Benmoussa. Un intérêt multidimensionnel de la part des pouvoirs publics S'exprimant autour de cette réforme, le trésorier général du Royaume a rappelé l'intérêt qu'accordent les pouvoirs publics à ce chantier qui se veut l'un des leviers fondamentaux de la stratégie de renforcement de la transparence et de l'amélioration du climat des affaires. Un intérêt qui selon Noureddine Bensouda, découle de plusieurs dimensions dont la dimension financière de l'achat public ou encore les exigences des politiques nationales de protection de l'environnement, de veille à l'efficacité énergétique et d'aspiration pour le développement durable auxquelles l'achat public pourrait largement contribuer. M. Bensouda ponctue son intervention par une recommandation claire visant à faire converger l'offre du secteur privé avec la demande du secteur public dans le cadre d'un partenariat gagnant-gagnant. « Il nous appartient à tous, acheteurs publics, entreprises et organes de contrôle, de faire de la réforme de la commande publique un point d'ancrage devant nous assurer la transition d'un dispositif de procédures, à une logique de management moderne de l'achat public pour en faire un vecteur de développement économique et social facilitant l'investissement et la création d'emplois ». Et de poursuivre : «Nous restons convaincus que l'efficacité de la gestion de la commande publique en tant qu'outil d'encouragement de l'entreprise nationale et en particulier de la PME, de la TPE, et de l'autoentrepreneur n'est pas seulement une question d'encadrement juridique et un arsenal de procédures et de circuits techniques, mais plutôt une affaire de comportement responsable des acheteurs publics et des entreprises où la qualité des ouvrages et des services réalisés pour la collectivité doit primer sur toute autre considération». Des schémas innovants à mettre en place Dans l'optique d'améliorer l'écosystème de la commande publique, Khalid Safir, wali directeur général des collectivités territoriales, a souligné l'importance aussi bien de l'effort réglementaire qu'opérationnel. Il a par ailleurs insisté sur la mise en place de schémas innovants pour répondre aux attentes de plus en plus croissantes en services publics performants et aux contraintes budgétaires. « Ces schémas peuvent s'avérer particulièrement intéressants pour les Conseils territoriaux s'agissant des projets de l'éclairage public, de décharges publiques, de stations d'épuration et des équipements publics locaux, notamment les parkings, les gares routières et la gestion du stationnement », a-t-il souligné. Le Wali directeur général des collectivités territoriales plaide par ailleurs pour un renforcement des acquis en vue de faire de la commande publique un levier économique. A cet égard, l'évolution du cadre réglementaire est de mise en vue de renforcer la transparence des marchés publics. M. Safir appelle également à privilégier davantage la préférence nationale ainsi que d'allotir certaines commandes publiques afin d'encourager les soumissions des PME et TPE. Le patronat confiant quant à l'activation des solutions adéquates La commande publique a été au cœur des recommandations formulées dans le cadre du nouveau modèle de développement. Le rapport publié insiste sur le fait que l'Etat doit faire de la commande publique un véritable instrument de développement productif et de l'actionner comme levier stratégique de développement productif. Le nouveau modèle de développement a appelé, dans ce sens, au renforcement de la transparence des marchés publics ainsi qu'à l'introduction de mécanismes souples d'achats dans les secteurs à caractère stratégique. Autant de propositions ayant été bien accueillies par les opérateurs privés. Toutefois pour une efficience optimale de la commande publique, le patronat insiste sur un bon nombre de points. A cet effet, Chakib Alj, président de la CGEM, souligne l'urgence de lever les contraintes réglementaires et juridiques existantes ainsi que d'appliquer la mesure de l'efficacité de la commande publique afin d'apporter des correctifs appropriés. M. Alj a fait part à l'audience de sa confiance quant à la capacité d'activer les solutions adéquates pour que la commande publique soit un facteur de croissance et de création d'emplois particulièrement dans ce contexte de sortie de crise. Digitalisation : Les chantiers de 2022 Pour 2022, toute la chaîne de la commande publique est concernée par la digitalisation. Ainsi, de nouveaux services seront intégrés impliquant d'autres acteurs, notamment les organismes habilités à délivrer les cautions provisoires et définitives ainsi que la retenue de garantie et le nantissement des marchés et ce, toujours au service de l'entreprise en quête d'accès au financement. L'année sera marquée par la dématérialisation du processus de la délivrance des cautions provisoires et des mainlevées y afférentes avec l'ensemble des banques et organismes habilités. Le démarrage se fera pour les montants des marchés publics ne dépassant pas un seuil défini avant d'envisager progressivement sa généralisation au bout d'une période de deux ans. Rappelons que le programme de dématérialisation de la commande publique a été mis en place par paliers successifs depuis 2007. L'objectif étant d'intégrer les technologies du numérique dans le processus d'achat public, en vue d'en améliorer l'efficacité, d'en simplifier les procédures et d'en accroître la transparence. Ce dispositif ayant commencé par la mise en place depuis le 1er octobre 2007 du portail national des marchés publics a été poursuivi par la mise en place de la base de données des marchés publics ainsi que la base de données des fournisseurs. Le dispositif a comporté également : la soumission électronique des offres, le système des enchères électroniques inversées, le système de gestion électronique des achats groupés et le système de gestion intégrée des dépenses. Commande publique : Les chiffres ? Selon les données chiffrées formulées lors de cette rencontre, l'Etat injecte chaque année 200 milliards DH dans l'économie nationale au titre de la commande publique. Ce chiffre correspond aux budgets d'investissement de l'Etat, des collectivités territoriales et des entreprises et établissements publics. Notons qu'un effort supplémentaire a été consenti cette année en consacrant 245 milliards DH au titre de l'année 2022, soit un peu plus de 20% du PIB. Cette enveloppe budgétaire d'investissement est répartie sur le budget de l'Etat (budget général, Comptes spéciaux du Trésor et SEGMA) avec 88,9 MMDH, le Fonds Mohammed VI pour l'investissement avec 45 MMDH, les établissements et entreprises publics (EEP) avec 92,1 MMDH et les collectivités territoriales avec 19 MMDH. Par département, le ministère de l'équipement et de l'eau accapare près de 21% du total avec 17,2 MMDH, suivi de l'agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts pour 15% (12,6 MMDH), du ministère de l'éducation nationale, du préscolaire et des sports pour 10% (8,4 MMDH), du ministère de la santé et de la protection sociale pour 8,6% (7,1 MMDH), de la jeunesse, de la culture et de la communication pour 8,1% (6,7 MMDH) et le ministère de l'industrie et du commerce pour 5% (4,1 MMDH). Le bilan dressé démontre en revanche que les réalisations en matière d'investissement ne sont pas toujours à la hauteur des prévisions annoncées. S'agissant de l'Etat, le taux d'émission des dépenses d'investissements par rapport aux crédits ouverts a atteint 68% en 2019, avant de baisser à 61% en 2020 (année de pandémie). Il se situe en 2021 autour de 74%. Pour les collectivités territoriales, le taux d'émission des dépenses d'investissements par rapport aux crédits ouverts a fluctué autour de 41% en 2019, 39% en 2020 (année de pandémie) avant de se hisser à 43% en 2021. Pour les établissements et entreprises publics, il ressort que le taux d'exécution a oscillé au cours des trois dernières années entre 72% en 2019 et 86% en 2021, à l'exception de l'année 2020, caractérisée par la pandémie, où le taux de réalisation n'a été que de 58%.