«Danser sur une jambe ! Une seule». L'intitulé du nouveau récit autobiographique d'Abdelmalek Cherkaoui, publié par les éditions La Croisée des Chemins, laisse penser qu'il est joyeux. Cependant, le lecteur, appréciant la bonne humeur de l'auteur, qui commence par raconter sa naissance dans un train, est surpris, dès les premières pages, par son handicap. En fait, l'écrivain, qui évoque également la rencontre entre ses géniteurs, chacun son histoire et son destin, fait un chevauchement entre sa vie antérieure, dont certains faits se déroulent à Tétouan, et sa situation de handicap dans des passages lyriques. «Je», «Abdel» et «Malek» ne font qu'un Dans son récit, l'écrivain commence par l'enfance turbulente à l'école primaire en passant par la jeunesse frivole et les études supérieures sous d'autres cieux avant de devenir diplomate. Des transitions qu'il détaille en employant tantôt le pronom personnel «je», tantôt les prénoms Abdel et Malek, soit les diminutifs de son prénom pour parler de la même personne, soit lui-même. A propos de cette démarche, il révèle : «C'est voulu, pour dire que l'on peut être multiple tout en restant le même». Pour lui, le «je» peut être «collectif, et surtout un précieux renfort de notre moi, de notre moi intérieur». «Dans mon «je», il y a la présence du nous, un garde-fou contre toute déviation, ce qui me permet d'être le chroniqueur de mes rêves, de mes cauchemars et de mes folies», enchaîne-t-il en détail. Au-delà de ces confidences jalonnées dans le récit de rencontres intéressantes avec certaines personnes qui n'ont pas le même niveau intellectuel que lui, le romancier donne plutôt à apprécier, au fil des pages, son parcours d'ex-diplomate. Retour à son temps d'ambassadeur Dans ce sens, il remonte à ses préparatifs avant les cérémonies de nomination royale, notamment la tenue traditionnelle, son accueil dans les pays de résidence et les réactions des ambassadeurs d'autres pays particulièrement les réceptions de courtoisie entre autres. La particularité de cette partie du roman de l'auteur réside précisément dans le récit de sa nomination en tant qu'ambassadeur en Belgique et en Argentine. Il y raconte spécialement des vérités peu connues sur le peuple de ce pays latino-américain. C'est le cas, entre autres, du commerçant qui ne rend pas la monnaie en attendant de voir la réaction du client qui n'est pas habitué à la devise du pays d'accueil. Le tout en renouant constamment, dans le récit, avec sa situation physique. Un handicap raconté en lyrisme A propos des raisons du choix du lyrisme pour parler du handicap, qui survient à une phase ultérieure de son existence, M. Cherkaoui se veut assez clair. «J'ai voulu surtout éviter de raconter le handicap d'une manière larmoyante, tristounette, à la merci de la pitié des autres. J'ai voulu raconter un handicap joyeux ; une force de l'âme, presque une aubaine. Mon handicap est surtout mien ; de manière exclusive. C'est mon nouvel espoir, d'où le style gai, ou lyrique. La dernière des choses que je désirais faire était de me plaindre !», confie-t-il. A son sens, la joie ou l'espoir est «l'antidote de l'amertume». «Ce n'est pas une antinomie de sentiments. C'est tout simplement l'autre face du handicap subi. Dans mon double récit, plein de signes occultes, le handicap me mène au rappel de moments et de lieux atrocement oubliés et pourtant souvent euphoriques», poursuit le romancier qui finit son œuvre sur une note joviale.