Contre toute attente, le jury du 7ème Festival national de théâtre a mis le grand Prix «sous réserve». Une décision controversée et discutable, sachant que plusieurs spectacles en lice répondent aux critères requis pour postuler au grand sacre. Lecture. Si le jury du 7ème Festival national de théâtre de Meknès devait avoir un mérite, c'est bien celui d'avoir réussi à faire entendre parler de lui. En mal, s'il vous plaît. La colère, voire l'indignation, que son palmarès a suscitée est partagée, figurez-vous, même par ceux qui ont pris le soin de le désigner. Mais là n'est pas notre propos. C'est à l'œuvre, -n'est-ce pas-, que l'on connaît l'auteur. Mettons le jury de côté, et parlons plutôt de son œuvre. Le palmarès, puisque c'est de cela qu'il s'agit, a péché, sinon par un vice de jugeote, du moins par un manque flagrant d'objectivité. La surprise a de quoi crever le moral des troupes les plus aguerries: Pour cette 7ème édition du Festival national de théâtre de Meknès, le jury a décidé de mettre le grand Prix « sous réserve ». Le commun des troupes en lice a donc été renvoyé à ses chères études! Plus encore, la saison théâtrale, qui d'un avis quasi-unanime a été ponctuée de belles créations, serait, d'après le palmarès, « nulle ». Sur quels critères le jury s'est-il alors appuyé pour justifier sa décision fracassante ? A-t-il jugé les spectacles ou ceux qui ont été derrière leur création, c'est-à-dire de jeunes troupes avant-gardistes qui ont fait le choix courageux de sortir des sentiers battus et du schéma classique d'un théâtre qui n'a trop souvent « brillé » que par son « bavardage », par une troublante sous-culture, sans parler de cette ignorance des b.a-ba mêmes des techniques dramatiques. Paradoxalement, ce théâtre qui rechigne à la recherche, c'est-à-dire à l'aventure, le propre de toute entreprise de création, est encore et toujours cautionné par les vieux gardiens du Temple, qui aiment à se faire passer pour des « symboles » ou des « pères fondateurs » de la pratique théâtrale au Maroc. Le nouveau théâtre, incarné par de jeunes lauréats, armés de connaissances sur l'histoire du théâtre dans le monde, au fait des nouvelles tendances dramatiques, ne semble pas être du goût de certains qui se voient confier la responsabilité de juger. Ce qui devrait être accueilli comme un signe de renouveau, est, au mieux, ravalé au rang de « théâtre scolaire », au pire, considéré comme un « jeu d'enfant ». Un a-priori qui risque de saper à la base les efforts de jeunes professionnels qui ont, peut-on écrire sans risque d'exagérer, révolutionné la pratique théâtrale nationale ces dernières années. Forts de leur formation à l'art dramatique, acquise au Maroc ou à l'étranger, ils ont fait preuve d'une remarquable maîtrise du 4ème Art, à tous les étages de sa construction dramatique. Pour ces jeunes, le texte n'est que prétexte. D'où l'intérêt qu'ils portent à d'autres langages comme l'écriture scénographique, les jeux de silence, l'utilisation de l'image électronique, le dépouillement scénique où le vide prend également sens, sans oublier, côté mise en scène, l'effort fourni au niveau de la direction des comédiens. Bref, ces jeunes ont le mérite d'avoir su rompre avec le fameux théâtre bavard, en offrant un théâtre plutôt visuel. Une tendance qui s'est confirmée d'année en année, et plus particulièrement lors de la saison écoulée. On pense, entre autres créations avant-gardistes, à «Lil w'nhar » de Bousselham Daïf, «La dernière danse» de Driss Rokh, sans oublier de retenir quelques adaptations intelligentes de quelques beaux textes du répertoire théâtral international : «B'nat Lalla Mennana» et «Dar Laman», montées d'après un même texte : «La Maison de Bernarda Alba» de Federico Garcia Lorca. On se demande pourquoi ces spectacles, ajoutés à «H'dit ô moghzal» ou plus encore «Les Jardins de Lorca», ont été privés d'un sacre mérité. Le renouveau qu'incarne ces jeunes dérange-t-il à ce point ?