Le pays a besoin d'un syndicat moderne et fort. C'est-à-dire réellement représentatif des aspirations de la classe ouvrière. Sans ce syndicat, la construction démocratique est fragilisée. La division syndicale a eu ses effets, le syndicalisme marocain vit une crise profonde dont il ne se relèvera pas de sitôt. L'UMT est attaquée dans sa citadelle : le secteur de l'énergie. Les islamistes ont réussi plus qu'une percée, ils tiennent les bureaux de plusieurs Régies. Ils ont en vue le pactole des COS, plusieurs milliards de centimes par an (17 milliards selon les dernières estimations). Un vrai trésor de guerre ! Malheureusement, la gestion ancienne leur fait une belle propagande. Toute la presse a dévoilé les turpitudes du sieur Mohamed Abderrazak, véritable empereur des COS pendant 40 ans. Or aujourd'hui, l'on apprend, de source officieuse, que pour couvrir les hypothèques du CIH, le COS envisagerait de mettre en vente trois Centres de vacances, dont celui de Marrakech. Si cela s'avérait exacte, c'est un véritable scandale, c'est la classe ouvrière dans son ensemble, qui se trouverait dépossédée par son syndicat! Ce n'est pas un cas unique. Ainsi un grand établissement public a « privatisé » un Centre d'estivage au Nord en vendant les appartements à des particuliers. Pas tous, quatre lui appartiennent toujours, ce qui permet de garder la plaque à son nom et surtout de payer les frais. Les exemples arrivent du Maroc entier depuis qu'un groupe de militants s'intéresse à la question. Le constat est grave, la classe ouvrière se fait voler ses acquis. Il faut comprendre que tous ces acquis sont le produit des luttes sociales des années 60 et 70. Les Centres de vacances ont permis à des ouvriers et des employés de bénéficier de vacances familiales, qu'ils n'auraient jamais pu payer de leur salaire. Cela entrait dans le cadre de la lutte pour l'égalité des chances… des enfants. Aujourd'hui, les salariés apprennent que leurs retraites sont en danger, les avantages acquis sont remis en question, leurs syndicats les dépossèdent. Pour rester dans le secteur des Régies, les Caisses de retraite interne vont être remises au RCAR, transfert qui baissera les retraites des cadres ! Devant ce marasme, les intégristes avancent sans trop se fatiguer. Ils sont présents dans la CDT, l'UMT, en plus de leur syndicat-maison. Ils sont une vraie force à l'OCP, la santé publique et dans bien d'autres secteurs. Ils n'ont pas la culture de la classe ouvrière et, comme d'autres par le passé, n'utilisent le syndicat que comme un levier politique. Les cortèges du 1er mai où la mixité est interdite sont légion malgré la protestation à peine audible de quelques gauchistes qui croient que le portrait du Che suffit à régler l'affaire. L'implosion en marche du syndicalisme marocain, que les luttes mafieuses au sein de l'UGTM éclairent bien, est un handicap réel sur la voie de la modernisation du pays. Prisonnier du nationalisme petit-bourgeois, du populisme et maintenant de l'hypothèque intégriste, le syndicalisme marocain n'a pas fait sa mue. Le pays a besoin d'un syndicat moderne et fort. C'est-à-dire réellement représentatif des aspirations de la classe ouvrière. Sans ce syndicat, la construction démocratique est fragilisée. Même le patronat n'a pas intérêt à une telle situation, puisqu'il en profite pour faire supporter aux travailleurs le poids de la compétition, il n'a plus de thermomètre et risque des conflits sociaux « sauvages ». Ce qui a été le cas dans plusieurs secteurs et a mis par terre plusieurs entreprises. Dans ce contexte, le combat pour l'unité syndicale devient une nécessité bien qu'il soit évident que les appareils s'y opposeront. Sinon un 1er mai prochain, il ne faut pas s'étonner si les défilés se transformeront en prêche jihadiste. Ce combat-là, lui aussi, n'est pas catégoriel, il concerne l'ensemble de la société. C'est pour cela qu'il faut à tout prix éviter que la peste brune n'accapare ce qui reste du trésor de guerre des ouvriers.