Homme d'influence durant près de quatre décennies, Ahmed Réda Guédira a marqué de son empreinte la scène politique marocaine. L'ex-compagnon de Hassan II, décrié pendant longtemps, n'aura pas fait que des malheureux. Ahmed Réda Guédira, bien avant un Driss Basri conquérant, avait marqué de son empreinte une partie de l'histoire du Maroc. Présenté comme l'homme à tout faire de Feu Hassan II, il n'était pas un inconnu au sérail puisqu'il fera d'abord ses études au Collège royal avant de mettre le cap sur Paris pour des études en droit. Robe noire dès 1955, chose sur laquelle certains aiment faire l'impasse, Réda Guédira fera partie de la délégation marocaine qui négociera les accords d'Aix-Les-Bains en vertu desquels le Maroc a recouvré son indépendance. Homme de confiance de Sa Majesté Hassan II, presque aucune décision importante ne pouvait être prise sans son avis. Plusieurs fois ministre et pour diriger multiples départements, il jouissait de la confiance du Roi défunt. On prête d'ailleurs aux deux hommes la création, en 1963, du FDIC (Front pour la défense des institutions constitutionnelles) pour contrecarrer les formations politiques issues du mouvement national encore présent de manière très significative à travers l'Istiqlal et ses rivaux de l'UNFP. Le FDIC, moins d'une année après sa constitution, remportera d'ailleurs une grande partie des voix du scrutin de 1963 avant de disparaître progressivement pour devenir un simple souvenir. De grande utilité pour certains, un grand coup dans le dos pour beaucoup. Cela n'empêchera pas Ahmed Réda Guédira de toujours figurer parmi les personnes les plus appréciées dans l'entourage du défunt Roi. On le taxera d'homme des missions difficiles, voire impossibles et il l'était effectivement comme l'ont montré les solutions apportées à plusieurs affaires qui lui avaient été confiées. Pendant près de quarante ans, il continuera à influencer la politique au Maroc, de manière directe ou par interventions «ciblées» dictées par telle ou telle autre conjoncture. L'autre facette de l'homme est qu'il était craint, mais surtout très écouté. Craint, il l'était pour la confiance dont il jouissait de la part de Feu Hassan II. Pour faire partie du cercle restreint des courtisans, il fallait donc être en bons termes avec Ahmed Réda Guédira. Il était très écouté, et un peu partout, parce qu'un coup de fil de l'homme pouvait résoudre le plus inextricable des problèmes. Selon la véritable légende brodée autour de l'homme, ce dernier ne prenait même pas la peine de consigner ses ordres, ou désirs, par écrit. Cela n'empêchait pas ses directives d'être exécutées à la lettre. Ahmed Réda Guédira, l'éminence grise du régime, avait aussi une vie de famille, riche et intense. Il épousera Christiane qu'il connaîtra à Paris et qui le gratifiera d'un garçon et trois filles. Sa mort en décembre 1995, à l'âge de 73 ans, affectera beaucoup les siens et surtout sa femme. Christiane mourra en 1997. Par amour à Réda Guédira, elle se convertit à l'Islam avant sa mort pour pouvoir reposer près de lui au célèbre cimetière Achchouha'e à Rabat.Ahmed Réda Guédira est parti, mais avec lui disparaît une bonne partie de la mémoire du Maroc contemporain. Et même mort, il a tenu à nous léguer quand même des aspects qui ajouteront à la légende tissée autour de l'homme. Que valait sa fortune, si fortune il y avait ?