La réussite du Sommet 5+5 de Tunis est compromise par la qualité des rapports politiques entre Madrid et Rabat fragilisés par l'attitude espagnole ambiguë sur le dossier du Sahara. Comment peut-on qualifier l'attitude espagnole envers le Maroc? Est-il possible de construire un véritable dialogue entre les deux rives de la Méditerranée, un dialogue constructif dans l'intérêt de l'ensemble des pays concernés? Autant de questions au centre de l'actualité car du 5 au 6 décembre prochain, le Sommet 5+5 se tiendra à Tunis. L'Espagne est, avec la France, le pays le plus proche du Maroc sur le plan politique, économique et culturel. Seulement, l'attitude envers le Maroc des dirigeants espagnols, le Parti Populaire (PP) pour ne pas le nommer, est visiblement ambiguë, voire contradictoire. Depuis 1998, date à laquelle le Maroc a décidé de ne pas renouveler l'accord de pêche avec l'Union Européenne, Madrid a entrepris, il faut le dire, une véritable campagne anti-marocaine au sein des instances communautaires et internationales. C'est sur le dossier du Sahara que cette hostilité espagnole avérée a commencé. L'axe Madrid-Alger qui s'est construit sur les ruines de l'amitié maroco-espagnole est une illustration de ce virage de 180° de la politique du PP à l'égard de Rabat. En se jetant dans les bras de Bouteflika (et des puits de pétrole et de gaz de son pays), Aznar n'a fait qu'exacerber, encore plus, les sentiments marocains. Cela ne veut pas dire que ce rapprochement en soi est condamnable. Mais force est de constater que l'Algérie et l'Espagne sont devenues des soutiens inconditionnels des mercenaires du polisario. Par presse interposée, Rabat et Madrid se sont livrés une bataille sans pitié. Les militaires marocains ont été accusés d'être derrière le trafic de drogue et de l'immigration clandestine. Mais les Espagnols sont allés trop loin en s'attaquant directement au Roi et à la Monarchie. La crise de l'îlot Leïla et le rappel des ambassadeurs ont donné le coup de grâce à des relations maroco-espagnoles tumultueuses. Après la phase de l'hostilité directe et sans faux-fuyants, l'Espagne, sous la pression des Etats-Unis notamment, est passée à la phase du double-jeu et de l'ambiguïté. En effet, les accusations gratuites, les déclarations intempestives et autres insultes à l'égard du Maroc ont définitivement cessé. En revanche, le soutien des thèses algéro-polisariennes n'a fait qu'augmenter. Les manœuvres espagnoles au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies est un exemple édifiant. Sans l'intervention musclée et courageuse de la France et de son Président Jaques Chirac, l'adoption d'une résolution par l'instance onusienne aurait pu signer l'arrêt de mort de l'amitié entre Madrid et Rabat. Aujourd'hui, de l'eau semble avoir coulé sous les ponts. Mais le scepticisme est de rigueur du côté sud du Détroit de Gibraltar. En clair, dans l'état actuel des choses, les relations entre le Maroc et l'Espagne sont tributaires de l'issue de l'affaire du Sahara. Le Sommet 5+5 est théoriquement un moyen de discuter de tout cela, de déblayer le terrain de toutes les mauvaises herbes. Certes, le Sommet 5+5 s'inscrit dans une logique particulière au sein de l'Union Européenne. Incontestablement, le bras de fer Paris-Washington a eu des conséquences néfastes sur les relations franco-espagnoles. Au lendemain de l'invasion de l'Iraq par l'armée américaine, Ana Palacio, ministre espagnole des Affaires étrangères ne s'est-elle pas rendue en Syrie, un pays historiquement proche de Paris et avec lequel l'Espagne n'a que des relations diplomatiques superficielles ? Tout ceci pour dire qu'il est difficile de parier sur la réussite du Sommet 5+5. Rappelons toutefois, que ce sommet regroupe les cinq pays du Maghreb (Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie et Libye) et cinq pays européens du bassin occidental de la Méditerranée (Espagne, Portugal, France, Italie et Malte). Il se veut à l'origine un espace de débat et de consolidation des relations entre le Nord et le Sud de la Méditerranée.