Un instituteur de Casablanca, un quinquagénaire qui jouissait d'une bonne réputation, a été arrêté récemment pour viol de huit mineures. Ces dernières étaient toutes des écolières. «Tu ne marches plus comme avant, tu commences à boîter ces derniers temps». C'est en ces termes que s'est adressée la mère, intriguée par la démarche de sa fille, à peine en classe primaire à l'école Jamal Eddine Al Afghani, délégation de Sidi Bernoussi, à Casablanca. La fille a fait semblant de n'avoir rien entendu et est partie à l'école sans répondre. Sa mère la suivait de ses regards scrutateurs. Elle semblait très préoccupée par l'état de sa fille de onze ans. Sans qu'elle puisse les exprimer, des questions et des doutes lui martelaient la tête: Qu'est-ce qu'il lui est arrivé dernièrement ? Non seulement elle marche comme une estropiée, mais elle s'est également renfermée sur elle-même. D'habitude, elle accompagnait ses amies, conversait avec ses voisines, échangeait des livres avec ses camarades, bavardait avec ses frères et sœurs, se confiait à sa mère qui ne cessait de la consoler et la réconforter en lui versant quelques sous pour acheter, à l'instar des filles de son âge, ce qu'elle désirait. Seulement, elle n'est plus ce qu'elle était. Elle n'est plus active, n'adresse plus la parole à ses parents ni à ses frères et sœurs, elle ne réclame plus rien, ni vêtements, ni livres, ni cahiers, ni argent. Elle n'accompagne plus ses amies. Un jour, et comme à son accoutumée, la fille est retournée chez elle. Sa mère s'est alors adressée à elle calmement : «Je suis ta maman et je remarque que tu n'es plus dans ton assiette. Que se passe-t-il?» Une fois encore, la fille n'a pas répondu. Mais la mère a insisté. Elle ne pouvait plus patienter plus longtemps. Elle devait intervenir et ne plus abandonner sa fille à son propre sort. Mitraillée de questions, la fille a fondu en larmes. Pourquoi ? Sa mère ne savait rien. Elle a attendu que sa fille se soit calmée pour lui demander les raisons de ses larmes. Et la fille de balbutier: «Mon enseignant me fait…». Elle n'a pu continuer la phrase pour fondre une fois encore en larmes. Et un état d'hystérie s'est emparé d'elle durant quelques secondes. Sa mère l'a aspergée d'eau. La fille s'est calmée et a repris son souffle. Sa mère lui a demandé de lui dévoiler la vérité. Et la fille de cracher cette fois le morceau : «Mon enseignant me viole». Devant une telle affirmation, la mère est restée bouche bée. Pis encore, au départ, elle n'a pas cru ce que sa fille avançait, au point qu'elle l'a interrogée plusieurs fois. A chaque fois, c'était la même réponse. Mais comment un enseignant peut-il violer des écolières encore mineures ? Pourquoi ? N'est-il pas marié ? Même s'il est encore célibataire, les filles de joie ne sont pas ce qui manque à Casablanca. Un certificat médical attestant que la fille était victime de viols répétés en main, la mère s'est adressée directement à la police judiciaire de Sidi Bernoussi pour déposer plainte. Les limiers se sont lancés vers l'école pour entamer leurs investigations. L'écolière leur a donné son nom. Est-il vraiment un pédophile ? Le directeur et les enseignants n'en ont pas cru leurs oreilles. Ils ont tous attesté aux enquêteurs que l'enseignant en question jouissait d'une bonne réputation, qu'il était sérieux et ne provoquait aucun problème. «Où est-il maintenant ?», a demandé l'un des limiers. L'enseignant en cause n'était pas à sa classe n°9. Il s'est absenté ce samedi 7 mai. Un fait plutôt rare. Les enquêteurs ont alors interrogé d'autres écolières. «Il m'a violée», ont-elles avoué. Leur nombre est arrivé à huit écolières. Comment faisait-il pour s'isoler avec elles et les violer ? Il recourait à une seule astuce : il profitait de la durée de la récréation. Une fois les écolières sorties après le retentissement de la sirène, il n'hésitait pas à appeler l'une des filles pour lui demander à lui apporter un verre d'eau. Ensuite, il la tenait entre ses bras pour commencer à l'embrasser, à toucher tout son corps avant de lui enlever les habits et d'exhiber son sexe. Enfin, il passait à l'acte sans vergogne. Avant de relâcher sa victime, il lui ordonnait de garder le secret si elle veut réussir et ne pas être maltraitée. Il fallait attendre le début de la semaine dernière pour qu'il soit arrêté juste à côté de la délégation de l'Education nationale de Sidi Bernoussi. À son cinquantième printemps, cet enseignant est encore célibataire. Pourquoi ? « C'est un choix », a-t-il déclaré aux enquêteurs. Traduit, le mercredi 11 mai, devant le parquet général puis devant le juge d'instruction près la Cour d'appel de Casablanca, l'enseignant en cause n'a pu rejeter les accusations qui lui ont été reprochées, surtout lorsque ses petites victimes ne pouvaient pas le regarder. Il y en a même qui ont perdu conscience lorsque leurs yeux ont croisé les siens. Après que la deuxième audience devant le juge d'instruction a été fixé pour le 14 juin, une question est restée sans réponse : combien de victimes a-t-il violées durant les 22 ans de travail dans les classes des écoles primaires ?