«Tenja», film du réalisateur franco-marocain Hassan Legzouli, sortira en salles le 18 mai courant. Dans ce film, couronné de plusieurs prix à l'étranger, Abdou Mesnaoui campe le personnage d'un candidat à l'émigration. Interview. ALM : Dans «Tenja», vous incarnez le personnage de «Mimoun». Pourriez-vous nous décrire ce personnage ? Abdou Mesnaoui : Dans ce film, je joue le rôle d'un personnage complexe. «Mimoun», candidat à l'émigration, oscille entre raison et folie. Petit fonctionnaire dans une morgue tangéroise, allégorie de la mort lente de ce personnage, il cherche à échapper à sa condition kafkaïenne. L'alternative, c'est en Australie qu'il veut la trouver. Là-bas, il a d'ailleurs une copine, de son nom «Johnnie», qu'il a eu l'occasion de rencontrer lors d'un bref passage à Tanger. Depuis, il est resté suspendu à l'espoir de la rejoindre. Simplement, «Mimoun» a de sa princesse du rêve un souvenir vague. La seule trace qu'il en garde est une photographie. En entretenant l'illusion de pouvoir un jour reconquérir «Johnnie», il doit trimer pour épargner de l'argent et par conséquent monnayer sa fuite vers l'Australie. Mis au courant du projet de «Mimoun», un passeur s'engage à l'aider à franchir l'autre côté de la rive. Mais c'est compter sans l'astuce de ce passeur qui empoche la bourse de «Mimoun» sans honorer son engagement de le faire passer. Déception, puis une lueur d'espoir. Un jour, «Mimoun» rencontre «Norddine», personnage principal de «Tenja» interprété par Roschdy Zem. Fils d'un ex-mineur, «Nordine», marocain résidant à Lille (Nord de la France), doit retourner dans son pays natal pour enterrer son père. Conformément à la dernière volonté de ce dernier, l'enterrement doit avoir lieu un vendredi dans un village situé au Moyen Atlas. Seulement voilà, il se trouve que le jour d'enterrement coïncide avec une fête nationale. Contre le vœu de son père, «Norddine» ne peut sortir le corps de son géniteur de la morgue. Or, «Mimoun» a réussi à lui livrer le corps en contrepartie de son amitié de «Norddine» et surtout d'un conseil qui lui permettra de sortir de la crise. «Norddine» conseille «Mimoun» d'oublier «Johnnie», et il va l'aider matériellement à faire face à son statut de petit fonctionnaire de l'Etat. Avec l'incarnation du personnage de «Mimoun», croyez-vous avoir donné une idée exacte de l'émigré ? Qu'est-ce qui pousserait un jeune citoyen à penser à «brûler» ? L'horizon dans le pays natal reste sombre. Nombre de jeunes préfèrent l'aventure suicidaire dans le Détroit à leur statut de marginaux de la société. Pour résumer, les jeunes ont le sentiment que cette société ne pense pas à eux, alors ils sont tentés par l'inconnu. Toujours est-il que leur espoir finit par se fracasser contre le récif du Détoit. «Tenja» n'est certes pas le seul film à avoir été réalisé sur l'émigration. En quoi consiste l'originalité de ce film ? Il y a certes eu beaucoup de films sur l'émigration. Le problème est que la plupart véhiculent les mêmes stéréotypes sur l'émigré. C'est à chaque fois le «petit voyou des métros parisiens», le «bougnoul», le «craoui» en mal d'intégration dans son pays d'adoption. Avec «Tenja», c'est un nouveau regard qui est apporté sur l'émigré. «Norddine» est présenté comme un modèle de réussite pour les ressortissants marocains à l'étranger, il assume dans la symbiose son statut de bi-culturel et donc sa double appartenance. «Tenja» a reçu plusieurs prix à l'étranger (France, Belgique…). Mais il n'a pas encore reçu de distinction chez lui. Le film n'a pas été récompensé au dernier Festival international du film de Marrakech (FIFM). Comment avez-vous réagi à cela ? Ill faut signaler que «Tenja» a été le seul film marocain à avoir été sélectionné pour participer à la compétition du FIFM. C'est déjà une marque de reconnaissance pour le film et pour son réalisateur, Hassan Lagzouli (marocain résidant à Lille). Et puis, si «Tenja» n'a pas été distingué par le jury du dernier FIFM, il a, en contrepartie, été chaleureusement accueilli par le public. Vous êtes à la fois homme de théâtre et de cinéma. Dans quel créneau vous sentez-vous le plus à l'aise ? Avec «Tenja», j'ai joué mon premier grand rôle au cinéma. Contrairement au théâtre où je compte plusieurs rôles et mises en scène, j'en suis encore à mes débuts cinématographiques. Actuellement, je suis plus tenté par le cinéma.