Vingt-trois troupes de théâtre ont bénéficié du fonds d'aide attribué par le ministère de la Culture. D'un montant total de 2. 858. 000 DH, cette aide louable profite peu au théâtre. Elle encourage des troupes à se cacher et d'autres à donner des représentations avec un seul comédien. L'argent du fonds d'aide aboutit au Festival national de Meknès quand il ne s'évapore pas dans la nature. Comme ultime consécration, les troupes subventionnées entrent en lice à Meknès. Lors des deux dernières éditions, ce haut rendez-vous théâtral a laissé le théâtre sur sa faim. Fondées surtout sur la parole, les représentations – à quelques exceptions près – exploitaient très peu le langage scénique. La commission qui leur attribue l'aide ne peut pas rectifier cette tendance, tant qu'elle continuera à se baser sur des textes pour évaluer la qualité des dossiers. “Difficile de faire autrement“, explique l'un de ses membres. Et c'est ainsi qu'une initiative, très louable, réduit le théâtre à la teneur d'un texte. Elle récompense les auteurs, mais non pas le théâtre. Le plus doué d'entre eux, Youssef Fadel, a été apprécié à sa juste valeur. Il fait partie des auteurs, répertoriés dans la catégorie “A“. Ses honoraires augmentent la subvention accordée à la troupe, selon Hassan Nafali, secrétaire-général du Syndicat national des professionnels du théâtre et membre de la commission. Interrogé sur cette tendance à accorder des subventions sur la base d'un texte, ce dernier explique que “la mission assignée à la commission consiste à aider la production d'œuvres théâtrales et non pas leur diffusion“. Il ajoute que cette évaluation se fait dans tous les pays du monde. La teneur du texte et “la tête du client” sont les seuls garants de la qualité du spectacle. “La tête du client” de Masrah Al Youm a plu encore cette année aux membres de la commission. Cette troupe a décroché l'aide la plus substantielle : 170.000 DH. Il ne s'agit pas de remettre en question la qualité du jeu de la comédienne Touria Jabrane ni de son importance dans “l'histoire du théâtre marocain”, comme le répètent ses admirateurs. L'intéressée ne le sait que trop bien. À preuve, elle ne trouve plus de comédiens à sa taille pour lui donner la réplique. Résultat: elle joue toute seule sur scène. Cela fait deux années qu'elle nous a habitués à faire des performances individuelles, en tenant seule sur scène pendant plus d'une heure. Le titre de la pièce qui lui a valu la plus grosse subvention porte un titre au pluriel : “Les prisonnières“. Ce qui laisse un espoir cette fois-ci, à moins que Touria Jabrane ne décide d'épater son public par un numéro de grande virtuosité : interpréter à elle seule tous les personnages de la pièce. Inutile de souligner combien une pièce théâtrale est dense lorsqu'elle est interprétée par de nombreux comédiens. Quant aux troupes qui ont bénéficié du Fonds d'aide et qui n'ont plus donné de nouvelles depuis, mal leur en a pris. Elles ne peuvent plus présenter leur candidature, dans la mesure où les textes du fonds d'aide stipulent désormais que toute troupe qui ne tient pas ses engagements ne peut plus être subventionnée par l'Etat. Ce qui n'est pas forcément une excellente idée : les troupes qui comptent dans l'histoire du théâtre national risquent soit de disparaître, soit de nous refaire chaque année des numéros de one man show.