Le directeur du ministère de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie, Abdelhak El Mrini, a tancé des responsables du journal arabophone Al Jarida Al Oukhra pour avoir publié un dossier sur SAR la Princesse Lalla Salma. L'hebdomadaire "Al Jarida Al Oukhra" n'en est qu'à sa neuvième édition, et déjà il suscite une forte polémique dont l'un des protagonistes n'est autre que le ministère de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie. En effet, tout a commencé le 6 avril, date de parution du huitième numéro d'Al Jarida Al Oukhra dans lequel le journal a publié une enquête supposée relater les détails intimes de la vie de SAR la Princesse Lalla Salma. Dans une série d'articles, on apprend, entre autres, que la Princesse aime marcher pieds-nus dans sa résidence ou que sa garde-robe est composée de tailleurs confectionnés par des couturiers de renom. Le lendemain, c'est-à-dire le 7 avril, le directeur du ministère de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie, Abdelhak El Mrini, s'est empressé d'envoyer une lettre à l'adresse du directeur de la publication d'Al Jarida Al Oukhra, Ali Anouzla. Cette missive, dont ALM a obtenu une copie, ne porte aucun objet précis. Mais elle pourrait être qualifiée de droit de réponse ou même de rappel à l'ordre. Et pour cause, Abdelhak El Mrini a estimé qu'Al Jarida "est allé trop loin en prétendant, en couverture du journal, aborder les détails les plus intimes de la vie privée de Son Altesse". A ce titre, le directeur du Protocole royal rappelle au directeur de la publication que la diffusion d'informations relatives à la vie privée de la famille royale est l'apanage de son département. En fait, jusque-là rien de très grave. Au contraire même. Dans un entretien accordé à ALM, Ali Anouzla a rappelé que c'est la première fois que le ministère de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie réagit à un article paru dans la presse. "Au lieu d'user de son pouvoir pour saisir le journal ou même geler l'activité de la publication, le ministère du Protocole a fait preuve d'un incontestable civisme en nous adressant un droit de réponse". Ali Anouzla en profite d'ailleurs pour préciser que son journal n'est pas un support de caniveau. "Nous étions animés par une bonne foi totale. Nous voulions montrer à nos lecteurs que la Princesse Lalla Salma est une femme moderne, proche des citoyens, et qui respecte scrupuleusement les traditions marocaines ainsi que les us et coutumes de la famille royale". Quant à l'intérêt que porte Al Jarida Al Oukhra à la personne de la Princesse, Ali Anouzla est on ne peut plus clair: "Dans tous les pays du monde, la vie des personnalités publiques intéresse le grand public". Et d'ajouter: "Nous n'avons pas du tout porté atteinte à la personne de la Princesse". En fait, ce qui a déplu à la rédaction d'Al Jarida Al Oukhra c'est les "menaces" en filigrane, contenues dans la lettre d'Abdelhak El Mrini. Celui-ci a écrit: "Je vous préviens que les conséquences de votre comportement peuvent être néfastes". Cette menace a poussé Ali Anouzla à rendre public un communiqué où il dénonce l'attitude du directeur du Protocole royal. Tout d'abord, le directeur de la publication d'Al Jarida Al Oukhra estime que "M. Abdelhak El Mrini n'est pas habilité à juger l'action journalistique. Et s'il considère, à tort ou à raison, que le dossier comporte une atteinte à n'importe qui, alors c'est à la Justice et non au langage de la menace et de la frayeur de trancher". Aussi Ali Anouzla a-t-il estimé que la lettre d'Abdelhak El Mrini ne comporte aucune référence juridique attestant de la violation de la vie privée. En d'autres termes, "le travail journalistique est régi par des lois et non par des us et coutumes, ni par des traditions ancestrales. C'est la différence entre un Etat de droit et un Etat d'exception", poursuit Ali Anouzla. Cette affaire remet sur le tapis, encore une fois, la question de la limite de la liberté de la presse. Notre confrère Naïm Kamal plaide pour le respect total de la vie privée, qu'il s'agisse d'une personnalité publique ou d'un citoyen lambda. L'étalage de l'intimité des gens est, à ses yeux, condamnable surtout si derrière, des journaux en profitent pour booster leurs ventes. A cela, Ali Anouzla répond: "le souci d'améliorer les ventes est tout à fait légitime pour un journal, mais cela ne veut pas dire que nous défendons la presse à sensation". Al Jarida Al Oukhra sait pertinemment que les sujets ayant trait à la famille royale captent l'attention des lecteurs. Mais Anouzla se demande où était Abdelhak El Mrini quand Paris-Match a publié des détails de la vie royale ? Est-ce un deux-poids, deux mesures? En fait, Anouzla pense que l'initiative d'Abdelhak El Mrini relève de "l'excès de zèle".