Le témoignage d'Al-Shaiba, estime Franck Dunham, l'un des avocats de Moussaoui, est "porteur d'une information essentielle pour la défense susceptible de le disculper". Zacarias Moussaoui, inculpé aux Etats-Unis de complicité dans les attentats du 11 septembre, peut-il obtenir la comparution comme témoin d'un membre d'Al-Qaïda? Une cour d'appel doit se prononcer sur ce point à l'origine d'un bras de fer entre le Français et le département de la Justice. Trois juges de la Cour d'appel de Richmond (Virginie) devaient écouter mardi après-midi les arguments des avocats commis d'office de Moussaoui et du département de la Justice qui s'oppose fermement à l'audition de Ramzi ben Al-Shaiba, l'un des coordinateurs présumés des attentats, détenu au secret par les autorités américaines depuis sa capture au Pakistan en septembre 2002. Début avril, la juge en charge du dossier, Leonie Brinkema, s'était attirée les foudres de l'accusation publique en donnant son accord de principe aux avocats de Moussaoui pour qu'ils interrogent Al-Shaiba par le biais d'une télévision en circuit fermé. Le procureur fédéral Paul McNulty a fait appel de cette décision en demandant que l'audience d'appel se tienne à huis clos, ce qui lui a été partiellement accordé. De fait, les parties devaient mardi s'exprimer lors d'une brève séance publique, en l'absence du prévenu, puis portes closes en raison du secret-défense qui entoure une partie du dossier, a indiqué un responsable du département de la Justice sous couvert de l'anonymat. On ignore quand la Cour d'appel rendra sa décision, mais celle-ci aura des conséquences considérables pour la poursuite des procédures engagées contre le Français arrêté aux Etats-Unis trois semaines avant les attaques contre New York et Washington. Au centre de cette bataille, figurent les questions de l'équité des poursuites engagées contre Moussaoui, la capacité d'être son propre avocat, et la crédibilité du département de la Justice. Celui-ci a menacé de conférer au prévenu le statut de "combattant ennemi" afin de pouvoir le transférer devant une juridiction militaire à huis clos, et ainsi éviter la comparution d'Al-Shaiba, considérée comme dangereuse pour la sécurité nationale. Le témoignage d'Al-Shaiba, estime Franck Dunham, l'un des avocats de Moussaoui, est "porteur d'une information essentielle pour la défense susceptible de le disculper". Dans la requête introduite devant la Cour d'appel de Richmond, M. Dunham va jusqu'à accuser le gouvernement "de vouloir appliquer la peine de mort à ce dossier sans que n'y soit versé la preuve exonérant" Moussaoui. Dans plusieurs de ses requêtes, Moussaoui a affirmé que certains membres présumés d'Al-Qaïda détenus par les Etats-Unis pouvaient prouver de façon irréfutable que l'organisation d'Oussama ben Laden ne l'avait pas choisi pour être le 20e terroriste des attentats du 11 septembre. Moussaoui a aussi demandé fin mars une déposition de Khaled Cheikh Mohammed, présumé numéro 3 d'Al-Qaïda, également capturé au Pakistan est, lui aussi, au secret. Les avocats de Moussaoui soutiennent en outre que leur client a admis qu'il devait participer à un attentat, distinct du 11 septembre, en dehors du territoire américain. Le procès de Zacarias Moussaoui, 34 ans, qui risque la peine de mort, a été repoussé sine die en attendant que toutes ces questions procédurales soient réglées. Les Etats-Unis affirment que le Français d'origine marocaine, s'il n'avait pas été arrêté avant, aurait dû être le "20ème homme" des commandos suicide d'Al-Qaïda qui ont détourné trois avions et les ont faits s'écraser contre les tours du World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington. Un quatrième avion détourné s'était écrasé dans un champ en Pennsylvanie. Ces attentats, les pires jamais commis sur le sol américain, ont fait plus de 3.000 morts